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A New York, la tech chinoise sauvée in extremis

par Etienne Henri
USA Chine Bourse

Voilà un accord qui ne manquera pas de rassurer les investisseurs : les Etats-Unis et la Chine ont trouvé un terrain d’entente pour maintenir la cotation des entreprises chinoises à Wall Street. Une bonne nouvelle pour Alibaba, Baidu, Pinduoduo et leurs acolytes de la tech qui pourraient dès lors connaître un rebond sans précédent…

Les investisseurs occidentaux n’y croyaient plus, un accord a finalement été trouvé

Les investisseurs occidentaux n’y croyaient plus, l’accord a finalement été conclu. Contre toute attente, et alors que les tensions géopolitiques entre les deux pays sont à leur comble, les Etats-Unis et la Chine ont trouvé un terrain d’entente pour maintenir la cotation des entreprises chinoises à New York.

La date butoir approchait : en l’absence d’accord sur la transparence des comptes, ce sont pas moins de 200 entreprises chinoises pesant plusieurs centaines de milliards de capitalisations qui risquaient de devoir quitter la Bourse de New York d’ici à deux ans.

C’est, bien évidemment, le secteur de la tech qui avait le plus à perdre. Si les deux superpuissances étaient restées sur leurs positions, les mastodontes que sont Alibaba (250 Mds$ de capitalisation), JD.com (100 Mds$), Pinduoduo (85 Mds$) ou encore Baidu (47 Mds$) auraient dû quitter le NYSE en 2024 au plus tard.

C’est donc avec un grand soulagement que les marchés ont appris du Conseil américain de surveillance comptable des sociétés cotées (PCAOB) et du gendarme des marchés (SEC) qu’un accord avait été trouvé avec les autorités chinoises. Saluant la bonne nouvelle, les opérateurs se sont jetés sur les titres de la tech chinoise. En effet, alors même que le NYSE était encore fermé, Alibaba et JD.com gagnaient plus de 4 % en préouverture, tandis que Pinduoduo grimpait de près de 7 %.

L’accord ne manquera pas de rassurer les investisseurs quant à la pérennité de leurs investissements dans les actions chinoises. Boudées pour d’évidentes raisons de risque législatif, ces dernières, fortement décotées par rapport à leurs équivalents occidentaux, pourraient connaître un rebond sans précédent dans les prochains mois.

La Chine fait un pas vers la transparence 

Les autorités américaines étaient inflexibles : pour maintenir leur présence à New York, les entreprises dont le siège social est en Asie devaient accepter de voir leurs comptes audités par des superviseurs américains.

Dans un contexte de guerre commerciale affirmée et de tensions géopolitiques croissantes autour de Taïwan, Pékin voyait d’un mauvais œil oncle Sam mettre le nez dans les comptes détaillés de ses fleurons industriels. Invoquant des risques pour sa sécurité nationale, la Chine rechignait à donner aux autorités américaines plus d’informations que n’en reçoivent les investisseurs. C’est-à-dire donner plus que les documents de synthèse transmis par les entreprises dans le cadre de leur communication publique.

Pékin aurait « fait le ménage » dans les titres chinois susceptibles d’être audités par les Etats-Unis

Les tractations, qui ont duré plusieurs années, ont finalement porté leurs fruits. Dès la mi-septembre, une première équipe de la PCAOB devrait se rendre dans l’empire du Milieu pour réaliser un audit-test. Celui-ci servira à déterminer si les inspecteurs peuvent réellement mener à bien leurs missions de contrôle.

Pour les investisseurs, il est permis d’espérer que le geste d’ouverture de Pékin soit suivi d’effets. Quelques jours avant l’annonce de l’accord entre les deux pays, la Chine a en effet fait savoir que plusieurs entreprises dites sensibles seraient retirées de la Bourse de New York. Parmi elles, des poids lourds comme Aluminum Corp of China, China Life Insurance, PetroChina et Sinopec.

Si la raison officielle indiquée est le faible volume de transactions, les observateurs n’ont pas manqué de remarquer que ces entreprises étaient toutes stratégiques. L’hypothèse selon laquelle Pékin aurait « fait le ménage » dans les titres chinois susceptibles d’être audités est donc tout aussi crédible… Ce qui serait de bon augure pour les entreprises épargnées, dont Alibaba, qui pourront rester au NYSE avec la bénédiction des autorités chinoises.

New York toujours dans la course 

Plus que le signe d’un réchauffement des relations entre Washington et Pékin, l’accord qui a été trouvé doit être vu pour ce qu’il est : une bouffée d’oxygène pour la Bourse de New York et les investisseurs occidentaux. Car, en matière de places de cotation, aucune position dominante ne dure bien longtemps.

Les hauts et bas des places boursières sont soumis aux aléas de l’Histoire, et l’expérience de Londres nous montre qu’une place de référence peut perdre de sa superbe en quelques années. Fin 2021, la plus grande compagnie low cost européenne Ryanair a décidé de quitter le London Stock Exchange à cause de coûts jugés trop élevés. Début 2022, c’est le groupe minier BHP qui a à son tour quitté Londres alors qu’il s’agissait d’une des plus grandes capitalisations du FTSE 100 – l’équivalent du CAC 40 outre-Manche.

D’ailleurs, la Bourse de Londres est loin de compenser cette hémorragie de titres avec du sang neuf. Selon Bloomberg, à peine 1,5 milliard de livres a pu être levé lors d’IPO sur le premier semestre – soit une baisse de 91 % par rapport à l’année dernière.

Royaume-Uni IPO

La contribution du Royaume-Uni aux IPO européennes (en noir) est presque invisible cette année (infographie : Bloomberg) 

L’isolement post-Brexit a transformé en une poignée d’années le London Stock Exchange en place de cotation de seconde zone. Même les Bourses de Milan et Zurich font aujourd’hui mieux que la capitale du Royaume-Uni !

Outre-Atlantique, les options dont disposait New York étaient donc limitées. Pour rester une plaque tournante de la tech mondiale, il n’y avait pas d’autres choix que de trouver un accord avec Pékin. Côté chinois, les concessions ont été tout autant frappées au coin du bon sens : alors que la croissance ralentit à des niveaux jamais vus depuis les années 1970 – hors COVID-19 – et que les épargnants doivent faire face à une crise de l’immobilier sans précédent, l’accès aux capitaux occidentaux pourrait bien devenir vital pour les grands noms de la tech chinoise.

Vers un rebond sans précédent des techs chinoises cotées aux USA dans les prochains mois ?

L’accord trouvé entre Washington et Pékin est, plus qu’une preuve de réchauffement des relations diplomatiques, le signe que les deux nations ne sont plus prêtes à mettre en péril leurs intérêts économiques à des fins de stratégie géopolitique. Cette détente dans la guerre commerciale sino-américaine est, pour les investisseurs européens, une bonne nouvelle. Ne risquant plus d’être les victimes collatérales d’un delisting brutal des valeurs chinoises cotées à New York, ils peuvent de nouveau envisager de les mettre en portefeuille pour profiter de leur potentiel de croissance incomparable.

Après tout, Goldman Sachs prévoit tout de même 3 % de croissance annuelle pour la Chine. Un chiffre qui a de quoi  faire rêver dans nos frontières. Un point bas pour la Chine, certes, un niveau de croissance digne de la fin des années 1990 pour notre économie…

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