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L’Allemagne ouvre sa première ligne de trains à hydrogène (avec Alstom)

par Etienne Henri
train hydrogène alstom

Les spécialistes de la transition énergétique le savaient déjà, l’utilisation de l’hydrogène dans les transports n’était qu’une question de temps. Et, après des années d’expérimentation, l’hydrogène-énergie passe (enfin !) au stade commercial. L’aventure démarre via le réseau ferré allemand, avec des trains produits par le Français Alstom. Une première mondiale qui a vocation à essaimer dans toute l’Europe comme à l’international. Un signal fort pour l’avenir de la filière.

Le 1er octobre 1908, la commercialisation de la Ford T démarrait – avec le succès que l’on connaît. Moins de cinquante ans plus tard, le 20 décembre 1957, volait pour la première fois le Boeing 707. La dernière grande première à intégrer les annales du transport date du 24 août dernier, avec l’inauguration de la première ligne ferroviaire totalement alimentée par hydrogène.

L’hydrogène-énergie passe au stade commercial

Située en Allemagne, près de Hambourg, elle relie les villes de Cuxhaven, Bremerhaven, Bremervörde et Buxtehude sur une centaine de kilomètres.

Après des années d’expérimentation, voir l’hydrogène-énergie passer au stade commercial est un signal fort. Il signifie que le secteur, dans son ensemble, a atteint une maturité suffisante pour assurer disponibilité et fiabilité à coûts acceptables de ce carburant propre.

Si l’Allemagne confirme, cet été, son rôle de pionnier dans la décarbonation des transports, la prouesse est en fait internationale. Attendez-vous à voir se multiplier, dans les prochaines années, des annonces similaires et l’hydrogène devenir une alternative crédible aux carburants fossiles.

La première ligne d’une longue série 

Nombreux sont les pays qui investissent massivement dans l’hydrogène-énergie. Si vous nous lisez régulièrement, cela ne vous aura pas échappé.

L’Allemagne fait sans nul doute figure de précurseur avec son ambitieux Plan Hydrogène de 2020 doté d’une enveloppe de 8 Mds€. A l’époque, l’annonce avait été accueillie froidement par les écologistes et les médias qui ne juraient que par le gaz naturel, les bio-carburants et autres batteries… Mais, pour les spécialistes de la transition énergétique, le recours à l’hydrogène comme vecteur d’énergie était une évidence.

En effet, à ce jour, c’est le seul moyen dont nous disposons pour stocker, à poids donné, autant d’énergie que du pétrole. Mais ce n’est pas son seul atout. C’est aussi une ressource produite et donc par définition inépuisable. Sa combustion ne dégage pas de CO2. Et, en plus, il a l’avantage de régler à lui seul la question de l’intermittence de production des énergies renouvelables. L’hydrogène coche toutes les cases. Il est tout simplement la seule technologie capable de nous offrir, à terme, un niveau de vie équivalent à celui que nous avons aujourd’hui sans émissions de gaz à effet de serre.

Les relais de croissance ne vont pas manquer

L’Allemagne n’est d’ailleurs pas isolée dans sa démarche. La même année, la France officialisait un effort équivalent avec 7 Mds€ dédiés à l’innovation dans l’hydrogène, dont 1,5 Md€ versé dans un « pot commun » européen.

C’est donc à l’échelle du continent qu’il faut voir la victoire technologico-industrielle du 24 août 2022. Si la première ligne régionale a été inaugurée en Allemagne, elle utilisera exclusivement des trains Coradia iLint, produits par… le Français Alstom.

Le savoir-faire qui a permis de passer du stade du démonstrateur à une réalité de terrain pourra ainsi être utilisé dans toute l’Europe. Les relais de croissance ne manquent pas : si le transport ferré allemand fait plutôt figure de bon élève, avec seulement 20 % des trains qui roulent au diesel, la France aurait beaucoup à gagner en basculant sa flotte vers des trains à hydrogène.

Près de mille trains TER bimodes ou seulement diesel circulent en France, et un quart du parc est à moteur diesel. A peine 55 % du réseau ferré est électrifié, et l’électrification des lignes secondaires est trop coûteuse – économiquement et écologiquement – pour être une option viable. Or, pour les trains, circulant entre des lieux fixes en suivant des voies prédéfinies, basculer vers un nouveau carburant comme l’hydrogène est particulièrement aisé. Il suffit de prévoir des capacités de ravitaillement dans les grands nœuds du réseau pour leur permettre de rouler sans risque de rupture d’approvisionnement.

Coradia iLint Alstom

Le train, véhicule de choix pour utiliser un nouveau carburant en l’absence d’infrastructures existantes (photo : Alstom)

De fait, la France a déjà commencé à tester les Coradia iLint sur ses lignes régionales. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Occitanie ont commandé à Alstom des rames à hydrogène dont l’utilisation commerciale est prévue pour 2025.

Un secteur où tout reste à faire 

L’utilisation de l’hydrogène-énergie se heurte, paradoxalement, à notre fort niveau d’industrialisation. Parce que l’Europe possède un réseau ferré historiquement organisé autour de l’électricité et du diesel, implanter des infrastructures adaptées aux trains à hydrogène est moins rentable que si nous partions d’une page blanche.

Il en est de même pour l’aviation et le transport automobile, qui auraient aussi beaucoup à gagner à se réorganiser autour de l’hydrogène.

Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, substituer l’hydrogène aux énergies fossiles est donc moins rentable dans les pays industrialisés car cela implique de cesser d’utiliser des infrastructures existantes comme les stations-services, les sites de stockage d’hydrocarbures, ou même les caténaires qui électrifient les voies ferrées. Ces dépenses ont déjà été faites, et cesser de les utiliser revient à perdre leur valeur d’usage résiduelle.

L’utilisation d’hydrogène-énergie étant encore balbutiante, tout reste à faire pour les industriels

La bascule vers l’hydrogène est, en Europe, dans une problématique de type « l’œuf ou la poule ». Les consommateurs attendent l’arrivée de nouvelles infrastructures qui ne seront, de leur côté, rentables que lorsqu’il existera une masse critique de consommateurs.

Nous pouvons donc nous féliciter que les gouvernements aient pris acte du besoin d’amorcer un cercle vertueux. Avec les projets-pilotes que sont les lignes ferroviaires régionales, les Etats favorisent l’apparition d’une infrastructure de production, de stockage, de transport et de distribution d’hydrogène qui bénéficiera à tous les acteurs.

L’utilisation d’hydrogène-énergie étant encore balbutiante, tout reste à faire pour les industriels. Il existe en Europe des milliers de rames de train, des dizaines de milliers d’avions et des centaines de millions de voitures à convertir. Et tous ces véhicules devront ensuite être alimentés au quotidien.

Les spécialistes savaient que, de part ses propriétés théoriques, l’utilisation de l’hydrogène comme source d’énergie dans le transport n’était qu’une question de temps. Depuis cet été, nous pouvons dire que l’hydrogène-carburant est une réalité commerciale. Le risque technologique est derrière nous, le besoin en infrastructures est financé par les pouvoirs publics : reste maintenant l’hypercroissance des industries concernées.

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3 commentaires

Douezy 29 août 2022 - 16 h 58 min

Je suis tout a fait d’accord avec cet article qui correspond exactement à ma vision du futur , je pense que le tout batterie dans le transport est une erreur tragique dont nous allons payer les dividendes dans une dizaine d’années.

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PCT 1 septembre 2022 - 9 h 09 min

green washing de la part de l’allemagne : le rendement de conversion électricité->hydrogene->electricité est de 50% au mieux, si on utilise la filière de reformatage du gaz naturel, le rendement est aussi proche de 40%. pour mémoire un stockage batterie a un rendement proche de 75%.
La techno hydrogene est clairement adapté pour les grosses puissance ( train, bateaux) car le poids embarqué par les batteries devient completement disproportionnées ( sans parler des couts ), mais à condition que l’hydrogène, qui n’est qu’un moyen de transport de l’énergie, puisse être réalisé à partir de sources décarbonnées. faire du train à hydrogène à partir d’électricité faite dans une centrale au lignite ( c’est le cas en allemagne ) est bien plus émettrice qu’un bon vieux diesel, mais on ne la vois pas….

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SERVET 3 septembre 2022 - 15 h 43 min

Qui produit de l’hydrogène en France ou bien faut-il l’acheter ? A qui ?

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