[Le futur de l’aviation civile passera par l’hydrogène. C’est de plus en plus certain. Pour preuve, les initiatives en ce sens s’accumulent. La plus importante d’entre elles (en date) nous vient certainement de United Airlines qui a décidé de se lancer dans les vols totalement décarbonés, en s’appuyant sur les piles à combustibles. Et ce, avant la fin de la décennie. 2028. Le calendrier est serré. Sa prise de participation dans la startup ZeroAvia devrait lui permettre de tenir ses ambitions…]
L’hypothèse d’un monde post-COVID où chacun resterait chez soi est de moins en moins plausible. Tenez, par exemple, depuis son trou d’air de l’an passé, le volume du transport aérien de passagers a été multiplié par six. Celui du fret de marchandises dépasse chaque mois ses plus-hauts historiques. Homo Sapiens semble franchement enclin à continuer de vouloir – par tous les moyens – commercer avec son prochain et se déplacer le plus loin possible.
United Airlines veut lancer ses vols totalement décarbonés avant la fin de la décennie
Même le variant Omicron, dont le déferlement inattendu a conduit les gouvernements à décider de nouvelles mesures de restriction de circulation, n’a que très peu d’effets sur cette tendance.
Pourtant, comme toutes les activités modernes, le trafic aérien se heurte à la finitude des énergies fossiles et à la lutte contre le réchauffement climatique. Et, même s’il ne représente que quelques pourcents des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, il ne pourra pas pour autant faire l’économie d’une transition vers le zéro carbone.
Ces dernières semaines, donc, deux nouvelles annonces sont venues confirmer cet état de fait. Les initiatives en faveur de l’avion à hydrogène se multiplient. La plus importante d’entre elles nous vient certainement de United Airlines. La méga-compagnie américaine, qui transporte chaque année 50 % à 60 % de passagers de plus qu’Air France, a annoncé son intention de réaliser des vols totalement décarbonés grâce à des avions alimentés par des piles à combustible. Et ce, avant la fin de la décennie.
Des « avions verts » plus tôt que prévu
Là où de nombreuses entreprises et gouvernements se contentent d’annoncer leurs bonnes intentions à horizon 2050, United Airlines s’est engagée sur un calendrier bien plus serré.
La compagnie a annoncé mi-décembre avoir pris une participation au capital de ZeroAvia, à hauteur de 35 M$. Cette somme sera utilisée pour développer un groupe motopropulseur à hydrogène de 2 MW à 5 MW. Ce qui sera idéal pour l’aviation régionale. Les appareils qui en seront équipés auront 800 kilomètres d’autonomie.
L’accord conclu entre ZeroAvia et United Airlines porte d’ores et déjà sur la fourniture de 50 blocs moteurs, et une option pour 50 exemplaires supplémentaires. La compagnie aérienne prévoit de faire voler les premiers « avions verts » dès 2028. Elle pourrait, à terme, opérer une centaine d’appareils à hydrogène – soit plus que le nombre d’A320 ou de Boeing 777 qu’elle opère actuellement !
Le nom de ZeroAvia, qui conçoit ces motorisations, ne vous est d’ailleurs peut-être pas inconnu. La startup a été la première à faire voler un avion commercial à hydrogène. Elle est très active dans ce secteur naissant et contribue à le faire progresser à marche forcée. Il y a un an de cela, elle faisait voler un appareil de six places. Aujourd’hui, elle débute une nouvelle série de tests sur des modèles de 19 places… avant de préparer, en collaboration avec United Airlines, la motorisation d’avions CRJ-550 dotés de 50 sièges.
Franchir ces jalons les uns après les autres si rapidement confirme que la motorisation à hydrogène est, contrairement aux avions à batteries, capable de passer à l’échelle industrielle sans se heurter à un plafond de verre technologique.
Les étapes s’enchaînent pour les avions à hydrogène. Bientôt, les CR-550 de United Airlines pourront voler au carburant propre (crédit : United Airlines)
L’aviation régionale, avec ses trajets de l’ordre de 500 miles (800 kilomètres), est le champ d’application le plus facile pour les nouvelles motorisations à hydrogène. Se cantonner aux courtes distances permet de limiter les coûts d’intégration, augmenter la sécurité et, de manière plus générale, simplifier la migration vers le carburant propre (réservoirs plus petits, moteurs moins puissants, entre autres).
Pourtant, l’intérêt principal de l’aviation reste le transport sur de longues distances. Pour concurrencer le kérosène, il faudra que les avionneurs parviennent à équiper des longs courriers de motorisations propres.
Pour ne pas laisser le champ libre au futur Airbus à hydrogène, le Royaume-Uni a annoncé un nouveau programme de R&D. Son objectif : faire naître un avion carburant au H2 capable de relier, sans escale, Londres à San Francisco, sur la côte ouest des Etats-Unis.
Le Royaume-Uni veut son avion à hydrogène
Pour Londres, pas question de laisser l’aviation internationale propre devenir un monopole européen. L’Américain Boeing, empêtré dans les déboires du 737MAX et incapable, malgré le rebond du marché de l’aviation civile, de regarnir son carnet de commandes, n’a toujours pas annoncé de feuille de route claire concernant l’aviation à hydrogène.
Les long-courriers représentent une difficulté supplémentaire
Si de nombreuses startups, comme ZeroAvia, travaillent à la décarbonation des vols de faible distance, les long-courriers représentent une difficulté supplémentaire. Les compétences nécessaires et les budgets en jeu sont autant de barrières à l’entrée qui empêchent de voir émerger une concurrence crédible. Jusqu’ici, seul Airbus a annoncé un calendrier précis menant à la commercialisation de longs courriers à hydrogène.
C’est certainement la menace de ce monopole à venir et le risque de voir toute un pan de l’industrie dépendre du succès d’un unique acteur qui ont conduit l’Aerospace Technology Institute (ATI), au Royaume-Uni, à lancer son propre programme de R&D. L’objectif est de concevoir de A à Z un appareil britannique, le FlyZero. D’une envergure de 54 mètres, soit l’équivalent d’un Airbus A340, et propulsé par deux réacteurs, il devra être capable de traverser l’Atlantique sans escale en comptant uniquement sur la capacité de ses réservoirs de H2 cryogénisés.
FlyZero, le futur de l’aviation propre vu par l’Aerospace Technology Institute (crédit : ATI)
Selon l’institut, le premier prototype pourrait effectuer ses vols de test d’ici 2030. Pour y parvenir, l’ATI a débloqué une première enveloppe de 15 millions de livres. La somme est, certes, dérisoire (elle ne représente même pas le prix catalogue d’un A320 pourtant produit en série), mais elle permet de donner une première légitimité au projet avant que des compagnies aériennes ne s’emparent du sujet et commencent à précommander des appareils.
L’avenir de l’aéronautique civile se joue sur le zéro carbone
En attendant l’engouement (et les deniers) du secteur privé, l’Aerospace Technology Institute peut s’appuyer sur son savoir-faire et ses partenariats avec les industriels pour faire avancer le projet FlyZero. L’institut est déjà à l’origine d’un nombre incalculable d’avancées dans l’aéronautique : amélioration des motorisations de Rolls Royce, création d’un réacteur 100 % électrique, et même optimisation des coûts de production chez Airbus.
Peu importe, finalement, que le premier avion long-courrier à hydrogène sorte vraiment de ateliers de l’ATI ou de ceux de ses partenaires industriels. L’important est de faire naître, à horizon 2030/2035, un écosystème complet permettant de produire, d’opérer et d’entretenir des dizaines de milliers d’avions zéro carbone. Il en va de l’avenir de l’aéronautique civile.