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Bitcoin & techs, décryptage d’une répression à la chinoise

par Arthur Toce
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[Mais que fait donc la Chine en ce moment ? A quoi joue-t-elle avec le Bitcoin ? Pourquoi resserre-t-elle l’étau si fort autour de ses géants technologiques ? Le capitalisme chinois est en pleine zone de turbulences ces derniers temps. Bien entendu, cela fait peur au marché. Mais, qu’il se rassure, Xi Jinping et le PCC ont un plan. A terme, cette déstabilisation servira le pays. Eléments d’explications avec les cas du Bitcoin et des techs…]

Dernièrement, et nous avons déjà eu l’occasion d’en parler dans ces colonnes, la Chine a pris une bien étrange position contre le Bitcoin mais aussi contre ses propres géants de la tech. Une répression qui a de quoi faire peur au marché. Et, vous le savez certainement, le marché déteste par-dessus tout le changement et l’incertitude.

Mais, Xi Jinping et le PCC ont un plan. L’idée ? Assainir le capitalisme chinois, secteur par secteur. Et, dans cette perspective, il leur semble bon de rappeler aux entrepreneurs chinois que personne ne doit faire de l’ombre au Parti. Seul le Parti est grand, et trop semblent l’oublier…

Alors, oui, ça secoue pas mal dans le capitalisme chinois en ce moment. Mais, à terme, cette déstabilisation servira le pays. Il en va de sa solidité à long terme. Je vous propose donc aujourd’hui de décrypter cette relation, ambivalente, qu’entretient actuellement la Chine avec le Bitcoin d’abord mais aussi avec ses propres géants de la tech. Comme vous le verrez, les apparences sont plutôt trompeuses et, en fin de compte, tout est logique.

Bitcoin : la Chine toujours numéro un du minage

Commençons par nous attarder un peu sur le cas du Bitcoin. En juin 2021, les autorités chinoises ont durci le ton contre les mineurs de bitcoins, ce qui avait entraîné un net recul de la cryptomonnaie. Au point même de voir certains mineurs s’exiler vers des terres plus accueillantes…

De prime abord, on peut avoir l’impression que la Chine est en passe de bannir le Bitcoin de son territoire… Pourtant, un simple coup d’œil à la réalité du monde des mineurs de bitcoins suffit à se convaincre que nous n’y sommes pas encore. Loin de là…

Regardez ce graphique :

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Comme vous pouvez le constater, fin 2019, la Chine représentait 75 % de la puissance totale de hachage du réseau… Certes, nous sommes passés à 50 %, mais la Chine reste malgré tout le premier pays sur la carte du Bitcoin. Voilà, c’est dit – et vérifié !

La Chine reste malgré tout le premier pays sur la carte du Bitcoin

En vérité, voici plutôt pourquoi le PCC a haussé le ton à ce moment-là. Avec l’envolée du cours du Bitcoin en avril, les mineurs de bitcoins étaient prêts à payer très cher les fondeurs pour obtenir leurs ASIC (machines dédiées au minage de cryptomonnaies), ce qui pénalisait d’autres industries !

En fait, le PCC a une vision bien plus globale que le simple désir de bannir de Chine le Bitcoin. Plusieurs objectifs sont poursuivis en même temps : mix énergétique, problème de production de semi-conducteurs, notamment.

Alors, oui, ce désir d’affaiblir le Bitcoin est bien réel. Mais l’idée de le bannir l’est un peu moins (pour le moment). Tout cela représente bien un risque, à long terme, mais, pour l’heure, il est compliqué de l’évaluer.

C’est finalement un peu la même histoire en ce qui concerne ses géants locaux de la tech, qu’il s’agisse de Tencent, d’Alibaba ou encore de DiDi.

Pas de pitié pour les techs (ni les monopoles)

Malgré les apparences, la Chine n’a absolument pas l’intention de les détruire. En effet, le PCC accepte tout à fait qu’Alibaba soit Alibaba, et notamment que l’entreprise articule son business entre ses industries et les acheteurs du monde entier via Taobao. Le PCC ne voit pas non plus d’inconvénients à ce que WeChat soit l’application de base de tous les Chinois. Il comprend aussi parfaitement le fait que Baidu ne peut pas avoir de concurrents, comme Google en Occident, car le meilleur prend le marché. C’est comme ça.

L’action actuelle que la Chine mène « contre » ses techs n’est qu’une lutte contre les monopoles

En revanche, ce que la Chine ne veut pas, c’est que ces entreprises dictent leurs règles
dans leurs écosystèmes et aillent s’accaparer des marchés connexes. S’il faut garder une R&D forte, il ne faut pas chercher à monopoliser trop de marchés. Voilà, l’action actuelle que la Chine mène « contre » ses techs n’est finalement qu’une lutte contre les monopoles et leurs avantages.

L’exemple de l’amende faite à Meituan en août (1 Md$ quand même !) montre bien cette volonté. Meituan est un géant de la livraison de repas. Que lui reproche le régulateur chinois ? Eh bien tout simplement d’abuser un peu trop de sa position dominante. L’entreprise contraint notamment ses restaurateurs partenaires à certaines promotions et, surtout, leur interdit d’utiliser un service concurrent. Un peu ce que fait Google avec son App Store.

De même, l’interdiction faite à Tencent Music de contrôler totalement les droits des artistes s’inscrit dans la même lignée. S’il est bien peu probable qu’un acteur puisse concurrencer Tencent Music dans un futur proche, la plateforme ne pourra plus user de techniques commerciales décourageant totalement ses concurrents. Elle aura donc plus de mal à augmenter ses prix comme le fait régulièrement Netflix depuis quelques temps.

Clairement, le Parti ne veut pas que ses capitaines d’industrie prennent trop de libertés avec leur pouvoir. Xi Jinping ne cible pas au hasard. Il est temps de leur rappeler – à coups de bâton si besoin est – qui dirige.

Diviser pour mieux régner…

Tout ici est question d’équilibre, finalement. La violence du gouvernement chinois peut nous paraître extrême mais, en réalité, elle n’aura que peu d’impact sur la viabilité de ces sociétés à long terme.

Pas d’inquiétudes :

… Alibaba restera un Amazon local avec Taobao…
… Tencent restera le champion du social media et du jeu vidéo…
… Baidu restera le moteur de recherche numéro un.

L’investisseur y sera-t-il vraiment perdant ?

Peut-être que certaines activités seront séparées de leur maison-mère. Pour gagner en indépendance, par exemple. Ou encore pour éviter la formation de trop puissants conglomérats à la japonaise. Les groupes se structureront alors avec des détentions respectives de parts dans les autres sociétés.

L’investisseur y sera-t-il vraiment perdant ? J’en doute.

Au final, si Tencent est découpée en une partie « jeux vidéo » et une partie « social media » et que l’on me donne deux titres différents, je pense que j’en sortirais tout de même largement gagnant.

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