Malgré les apparences (relativement trompeuses), et les critiques nourries vis-à-vis du secteur, les grandes banques d’affaires s’impliquent bel et bien, et de plus en plus, dans le monde de la blockchain et des cryptomonnaies. De Goldman Sachs à la Société Générale, des business units sont nées pour profiter de l’essor de cette nouvelle manière d’échanger de l’argent. Explications…
Il y a d’un côté les paroles… et, de l’autre, les actes.
Depuis la crise des subprime, durant laquelle l’interdépendance problématique des grandes banques et des Etats est devenue plus évidente que jamais, la parole des établissements « too big to fail » est devenue plus politique qu’économique.
De Goldman Sachs à la Société Générale, des business units sont créées pour surfer sur la tendance des cryptos
Parce que les grands noms de la finance ne doivent leur survie qu’aux largesses monétaires des banques centrales depuis quinze ans, et parce qu’en retour, nos nations surendettées ne bouclent leurs « fins de mois » que grâce à l’achat de dette auprès des établissements bancaires, les communications des banques doivent être considérées plus comme un relai des messages officiels que comme un avis indépendant.
De fait, le concert de critiques des grands noms de la finance envers les cryptomonnaies, et plus particulièrement le Bitcoin, ne connaissait presque pas de fausse note. « Véhicule d’investissement pour fraudeurs » selon le P-DG de Goldman Sachs en 2017… « Escroquerie [qui va] imploser » pour Jamie Dimon, P-DG de JPMorgan Chase, la même année… Actifs « qui ne valent rien » selon Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne…
Début 2019, le Crédit agricole Atlantique Vendée est même passé de la parole aux actes en refusant à un particulier un virement de 15 000 € vers la plateforme d’achat de cryptomonnaies Kraken. Raison invoquée : « Préserver les intérêts » de son client. Selon une étude de l’AssoCyrptoFR, un sondage réalisé au premier semestre 2019 faisait ressortir que de nombreux clients du Crédit Agricole, du réseau Crédit Mutuel, La Banque Postale, la Caisse d’Epargne, BNP Paribas, CIC et LCL avaient des difficultés à acheter des cryptomonnaies.
Mais tout ceci est une façade qui ne concerne que les particuliers…
En réalité, les grandes banques d’affaires s’impliquent de plus en plus dans le monde de la blockchain et des cryptomonnaies. De Goldman Sachs (GS) à la Société Générale, des business units sont nées pour profiter de l’essor de cette nouvelle manière d’échanger de l’argent.
Goldman Sachs : faites ce que je dis…
Malgré les saillies publiques des représentants de la banque à l’encontre de la plus célèbre des cryptomonnaies, Goldman Sachs surfe, à son compte, sur l’engouement pour le Bitcoin.
Goldman Sachs, confirme par ses actes la valeur que peuvent avoir les cryptomonnaies
Au printemps dernier, la banque a effectué ses premiers ordres sur des produits dérivés liés à la cryptomonnaie. Une équipe interne dédiée au trading sur les cryptomonnaies a été montée à cet effet, et les clients fortunés de la banque ont eu accès au suivi des principales cryptos au même titre que les grands indices boursiers ou les matières premières.
En début d’année, la banque a proposé à des clients triés sur le volet des prêts en dollar garantis par des collatéraux en Bitcoin. Cela signifie que ces clients pouvaient obtenir de l’argent sonnant et trébuchant en mettant simplement en gage leurs portefeuilles d’actifs numériques – preuve que la banque leur reconnaît une valeur réelle.
Cet été, alors que la chute des cryptomonnaies a emporté les plateformes de prêt, GS a battu le rappel de ses investisseurs pour rassembler 2 Mds$. Le but de cette levée de fonds ? Racheter pour une bouchée de pain les actifs de Celsius, un site de référence dans le monde du prêt et de l’emprunt de cryptomonnaies. L’occasion de céder ensuite, à la découpe, les cryptos recueillies pour une confortable plus-value… ou de devenir un acteur majeur de la finance décentralisée en faisant main basse sur ce nom reconnu de la DeFi.
Dans tous les cas, même si les objectifs finaux de cette opération commando n’ont pas été communiqués par Goldman Sachs, la banque confirme par ses actes la valeur que peuvent avoir les cryptomonnaies.
La Société Générale veut peser dans la DeFi
Déjà réputée en France pour sa relative bienveillance envers les cryptomonnaies, la Société Générale passe à la vitesse supérieure et s’implique désormais activement dans l’écosystème de la finance décentralisée.
Il y a quatre ans, la banque rouge et noire avait aidé ses salariés à fonder Forge, une startup dont la mission était d’offrir la possibilité d’émettre et de gérer des jetons financiers numériques sur la blockchain Ethereum. En pratique, Forge a proposé à ses clients l’émission d’obligations et de produits structurés, au format de « security tokens », ensuite intégrés à Ethereum – dont une grosse mise à jour a été lancée aujourd’hui. La clientèle n’avait qu’à exprimer son besoin et Forge s’occupait des aspects techniques et juridiques… Exactement ce que propose la Société Générale pour accompagner les besoins en financements par les circuits classiques – mais dans le monde de la blockchain.
Le bilan de cette aventure entrepreneuriale est plus que positif puisque Forge a accompagné la Banque européenne d’investissement (BEI) pour sa première émission d’obligations numériques pour un montant de 100 M€. Elle a également séduit d’autres grands noms de la finance comme Axa ou Generali. Au total, la startup a traité pour plus de 250 M€ de jetons numériques, et le succès est tel que la Société Générale a décidé de l’absorber.
La Société Générale passe à la vitesse supérieure
Désormais filiale à part entière de la banque, SG-Forge pourra s’appuyer sur la notoriété et le réseau commercial du groupe français pour proposer ses services dans la finance décentralisée et les crypto-actifs.
En France comme aux Etats-Unis, les critiques à l’emporte-pièce des dirigeants et des représentants des grands réseaux bancaires envers la finance décentralisée ne sont que de la poudre aux yeux. En pratique, les grosses mains sont convaincues du potentiel de cette nouvelle manière de stocker et transférer de la richesse. Warren Buffett n’achèterait pas, comme il le déclarait, « tous les bitcoins du monde pour 25 $ » ? Grand bien lui fasse. De leur côté, les banques voient un potentiel qui se chiffre en milliards de dollars.