L’actualité de ces derniers mois le prouve, les beaux discours et les bonnes intentions valent bien peu lorsque la réalité énergétique frappe à la porte… En effet, lorsque nos sociétés sont au pied du mur, nous n’hésitons pas à renier nos engagements écologiques pour assurer notre approvisionnement énergétique. Et, de ce point de vue, une pénurie nous guette – l’hiver s’annonce rude. La transition énergétique devra donc attendre, le charbon, lui, renait de ses cendres…
Le charbon va jouer un rôle prépondérant dans notre proche avenir énergétique
Il ne fait plus aucun doute que le charbon va jouer un rôle prépondérant, à court comme à moyen termes, dans notre avenir énergétique. L’actualité de ces derniers jours confirme d’ailleurs cette thèse puisque le gouvernement des Pays-Bas vient de renier ses engagements passés en autorisant les centrales électriques alimentées au charbon à tourner à pleine capacité. Et ce, avec effet immédiat.
Ce revirement est justifié par le fait que produire plus d’électricité à partir de charbon – sale mais abondant – permet de soulager immédiatement les tensions sur le réseau électrique. Les centrales à gaz sont ainsi moins sollicitées, ce qui permet de reconstituer plus vite les stocks de gaz avant un hiver qui s’annonce d’ores et déjà compliqué.
La course contre la montre avant la pénurie qui s’annonce est donc lancée, et l’exemple de notre voisin néerlandais – pays réputé pour son pragmatisme plus que pour ses idéologies – nous prouve que les grands discours et les beaux engagements valent bien peu lorsque la réalité énergétique frappe à la porte.
L’Europe est d’ailleurs dans une dynamique similaire au sujet de la motorisation des voitures particulières. En effet, après avoir prévu d’interdire dès 2035 la commercialisation de véhicules légers dotés de motorisation thermique, voici que les ministres de l’Environnement des 27 dévoilent les « petites lignes » du projet.
Fin des moteurs thermiques : oui, mais…
Comme l’avait demandé la Commission européenne, les émissions de CO2 des voitures neuves vendues en 2035 devront bien être réduites de 100 % par rapport à leur niveau de 2021. (Je vous en ai déjà parlé ici…) Mais le diable est dans les détails…
D’abord, la formulation retenue ne parle plus d’émissions de CO2 en sortie de pot d’échappement, mais dans le cycle de vie du carburant. Une nuance de taille qui ouvre la voie à l’arrivée des carburants de synthèse. En effet, les hydrocarbures artificiels qui sont produits en utilisant le CO2 de l’air (ou prélevé dans les rejets des usines) et avec de l’hydrogène vert ont un bilan carbone total neutre.
Ainsi, les industriels pourraient conserver leurs traditionnels moteurs à explosion à quatre temps s’ils justifient d’une alimentation à 100 % en carburant de synthèse.
Finalement, les consommateurs auront le choix
A ce stade, la solution est plus prospective qu’autre chose puisque le coût de production des carburants de synthèse décarbonés est évalué à 10 $/litre, soit près du décuple du coût brut des carburants fossiles. Or, notre tissu économique ne pourrait pas fonctionner en achetant son énergie dix fois plus cher. Leur essor ne pourra donc avoir lieu que si l’Europe se dote d’une capacité de production d’électricité intermittente suffisamment importante pour que le coût de l’énergie devienne par moment négatif.
Des producteurs pourraient alors, lors des pics de génération d’électricité, produire des carburants de synthèse à coûts acceptables. Nous pourrions imaginer des méga-sites de production alimentés par des panneaux solaires pour produire durant les belles journées d’été en Espagne ; durant les jours de grand vent au Danemark ; ou grâce à la géothermie en Islande. Ce carburant créé ex-nihilo pourrait ensuite être transporté par pétroliers et rejoindre les circuits de distribution classiques.
Rien ne dit, bien sûr, que produire du simple hydrogène dans les mêmes conditions ne sera pas plus intéressant. Mais il est bon de savoir que l’industrie – et les consommateurs – auront le choix. Cela permet à notre économie d’explorer simultanément la voie de la voiture à hydrogène et de celle des carburants de synthèse.
Et la transition énergétique alors ?
Et si tout ceci n’était pas suffisant, les ministres de l’Environnement se sont en catimini accordés sur une clause de revoyure en 2026. Autant dire que, si l’industrie n’est pas prête, la fin du moteur thermique n’aura certainement pas lieu en 2035.
La décroissance n’est pas dans notre ADN
Plus que jamais, il est vital de baser nos investissements dans la transition énergétique non pas sur les annonces et les grandes idées agitées comme des étendards, mais sur la réalité industrielle.
L’humanité a besoin d’énergie et la décroissance n’est pas dans notre ADN : le pouvoir (et les bénéfices) revient à ceux qui savent répondre à cette soif inextinguible de mégawattheures…