Energie éolienne, hydroélectrique, panneaux photovoltaïques, biomasse, et même hydrocarbures… A l’exception du nucléaire, nous assurons la quasi-totalité de nos besoins énergétiques grâce à la lumière du Soleil. Ce qui nous permet de négliger l’immense réservoir qui se trouve sous nos pieds : la chaleur du noyau terrestre. Pourtant, la géothermie ne manque pas d’avantages, notamment pour la transition énergétique… Et, de ce point de vue, en France, nous avons de l’énergie à revendre !
En France, on n’a pas de pétrole… mais on a de l’énergie !
5 500 °C : c’est la température du centre de la Terre. C’est, à moins de 300 °C près, l’équivalent de la température qui règne à la surface du Soleil. Pourtant, nous négligeons l’immense réservoir qui se trouve sous nos pieds. En effet, à l’exception de l’énergie nucléaire, nous assurons la quasi-totalité de nos besoins énergétiques grâce à la lumière du Soleil.
L’énergie éolienne existe grâce à la circulation des masses d’air réchauffées par la lumière du jour. Les panneaux photovoltaïques profitent directement des photons du Soleil. L’hydroélectricité s’appuie sur le cycle de l’eau qui n’existe que par la transpiration des plantes et l’évaporation des océans sous l’action de la lumière. L’utilisation de la biomasse n’est évidemment possible que parce que les plantes qui la composent ont été convenablement éclairées… Et même les hydrocarbures fossiles ne sont jamais que de la biomasse fossilisée – de l’énergie solaire fossile en somme.
Bref, nous négligeons totalement l’énergie qui se trouve sous nos pieds. Pourtant, la géothermie ne manque pas d’avantages. La géothermie réside dans la valorisation de l’énergie thermique de la Terre. Energie issue des conditions dantesques qui régnaient sur Terre lors de sa formation. Elle est complètement renouvelable, à l’échelle de l’humanité.
A l’instar du chauffage solaire, les kilowattheures (kWh) que nous prélevons dans le sous-sol seraient, de toute façon, dissipés. La seule différence est que, en les prélevant de manière contrôlée, nous pouvons en faire un usage qui nous sera bénéfique.
Absorber les calories du sous-sol, c’est éviter d’utiliser électricité, charbon, et même gaz naturel, pour produire de la chaleur. Que l’on parle de la France dont la moitié des centrales nucléaires sont à l’arrêt ou du reste du monde qui tire la majorité de son électricité de sources carbonées, chaque kWh valorisé permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Les particuliers, propriétaires de maisons individuelles, connaissent bien le concept de géothermie de surface. A plus grande échelle, la géothermie profonde, qui consiste à forer sur plusieurs centaines de mètres pour atteindre les couches calorifères, permet d’obtenir des quantités industrielles de chaleur.
Décriée en France pour ses effets néfastes locaux, oubliée dans la période d’euphorie énergétique que nous avons vécue depuis la fin des chocs pétroliers des années 1970, elle est remise sur le devant de la scène du fait de l’urgence de la transition énergétique.
Mieux encore, une innovation technologique majeure va permettre de démultiplier ses rendements.
La France a de l’énergie à revendre
En France, on n’a pas de pétrole… mais on a de l’énergie !
Il s’avère que pomper des calories depuis le sous-sol est tout aussi facile – voire plus – que de réaliser des forages pétroliers. Il suffit de creuser un puits dans une nappe d’eau naturellement chaude et de pomper le liquide, avant de le réinjecter une fois ses calories utilisées. La chaleur « gratuite » du sous-sol peut ainsi être utilisée, soit pour produire de l’électricité soit, ce qui est souvent le plus pratique, comme source de chaleur pour alimenter les réseaux de chauffage urbain.
Deux forages simples suffisent à créer un puits de chaleur (infographie : Engie)
A l’issue des premiers chocs pétroliers, les autorités ont réalisé que notre pays disposait de ressources géothermiques relativement faciles à exploiter. Dans le bassin parisien et en Alsace, cinquante-quatre forages avaient déjà été réalisés dans les années 1980.
La France dispose de ressources géothermiques faciles à exploiter
La technique a été longtemps décriée par les riverains des forages qui déploraient – et il est difficile de les blâmer – ses conséquences locales. Bruit, pollution des nappes phréatiques, tremblements de terre… creuser à des centaines de mètres de profondeur, que ce soit pour récupérer du gaz, du pétrole ou de l’eau chaude, est une activité loin d’être anodine.
Reste que, toutes choses égales par ailleurs, mieux vaut réaliser des forages pour récupérer de l’énergie renouvelable que pour extraire des hydrocarbures par définition limités en quantité et dont la consommation va aggraver le réchauffement climatique.
De fait, nos pouvoirs publics n’ont jamais totalement tourné le dos à cette source d’énergie. Son utilisation est même sur une pente clairement ascendante, comme le montrent les chiffres du Ministère de la Transition écologique : en à peine dix ans, la quantité d’énergie récupérée de notre sous-sol a connu une hausse de +100 %.
Evolution de la production d’énergie d’origine géothermique en France
(source : Ministère de la Transition écologique)
Le recours à la géothermie a toutes les raisons de s’accélérer
Contrairement à l’Islande, modèle du genre, nous sommes limités en France quant à la possibilité de produire de l’électricité issue de la géothermie. Nos sources chaudes n’ont tout simplement pas une température suffisamment élevée pour le faire à rendement intéressant. En revanche, l’expérience montre que l’extraction de chaleur-énergie est tout à fait possible. En 2019, nous avons dépassé pour la première fois les 2 TWh d’énergie extraite par an – ce qui représente plus de 17 % de notre production d’électricité d’origine solaire cette année-là.
Fondamentalement, le recours à la géothermie a toutes les raisons de s’accélérer. Nos besoins insatiables en énergie nécessitent de faire feu de tout bois et, si la géothermie n’a pas un impact écologique nul, elle reste l’une des plus propres des sources d’énergie. L’arrivée d’une nouvelle méthode de forage va, en plus, permettre de démultiplier son rendement.
La géothermie se met aux forages intelligents
A l’instar de la production pétrolière et de l’extraction de gaz naturel, la géothermie entre dans l’ère des forages modernes.
La technique ancestrale qui consistait à creuser un puits d’eau chaude et un puits d’eau froide pour rejoindre les couches calorifères a fait son temps. Inspirés par les technologies développées pour les forages d’hydrocarbures qui doivent redoubler d’innovation pour pallier l’épuisement des champs pétrolifères et gaziers, les énergéticiens ont appliqué la méthode des forages multidrains à la géothermie.
En pratique, il s’agit de créer plusieurs réseaux de circulation de chaleur au sein de la couche calorifère. Augmentant la surface d’échange avec le réservoir d’énergie qu’est notre sous-sol, chaque installation augmente ainsi son rendement.
Avec le forage multidrains, les forages démultiplient leur puissance (infographie : Engie)
Des tests ont été menés à Vélizy-Villacoublay en fin d’année dernière. Pour la première fois, la technique a été expérimentée dans un projet de géothermie profonde. Les résultats ont été à la hauteur puisque l’amélioration du forage a conduit à doubler le débit de production des puits en le portant à 400 m3/heure.
La géothermie entre dans l’ère des forages modernes
La réussite de ce forage-test signe l’ouverture d’un nouveau chapitre pour la géothermie profonde.
Multiplier par deux ou plus l’énergie récupérée sur chaque site améliore l’acceptabilité de la technologie et diminuera d’autant ses coûts.
A l’heure où chaque kWh d’origine renouvelable représente une amélioration de notre balance commerciale et un peu de répit sur nos émissions de CO2, nul doute que la géothermie reviendra bientôt sur le devant de la scène comme l’a fait le nucléaire l’année dernière.