Hertz, géant de la location de voitures, revient de loin. Après avoir évité de peu la faillite, il s’efforce désormais de reconstituer, et renouveler, sa flotte. Pour ce faire, il mise sur les voitures électriques. Mais, après avoir passé une grosse commande auprès de Tesla – et au prix fort – Hertz a décidé de lui tourner le dos, jetant son dévolu sur un constructeur méconnu : Polestar… Un choix curieux qui a surpris bon nombre d’analystes…
Pour le géant international de la location de voitures Hertz, la feuille de route est claire : le futur passe par la voiture électrique.
Pour Hertz, le futur passe par la voiture électrique
En ce printemps 2022, le groupe revient de loin. A l’été 2020, en pleine pandémie de COVID-19, il a sombré sous plus de 11 Mds$ de dette. Avec une flotte de près de 500 000 véhicules d’occasion à l’arrêt pour cause d’interruption mondiale des déplacements, l’entreprise a dû se placer sous la protection des tribunaux américains en vertu du chapitre 11 (protection contre les faillites).
Après un bras de fer avec ses créanciers, Hertz a évité d’un cheveu la liquidation en se refinançant à hauteur de 5,9 Mds$ et en purgeant ses stocks afin de limiter ses coûts fixes. Le groupe a ainsi cédé plus de 194 000 véhicules sur la seule année 2020, et sa flotte fin 2021 ne représentait plus qu’une fraction de celle de fin 2019.
Le gros de la tempête étant passé, et les voyages de tourisme et d’affaires retrouvant progressivement leur niveau pré-pandémie, le loueur se doit de remplir de nouveau ses parkings.
Partant d’une feuille blanche, Hertz entend se différencier de la concurrence, limiter ses coûts, et maximiser la durée de vie de sa nouvelle flotte. Pour satisfaire ces trois critères, son choix se porte sur les voitures électriques. Après avoir fait la Une de la presse économique en annonçant en octobre 2021 commander 100 000 Tesla, Hertz surprend une nouvelle fois les analystes en jetant désormais son dévolu sur un constructeur méconnu : Polestar.
Hertz mise sur le Petit Poucet Polestar pour continuer d’électrifier sa gamme (photo : Hertz)
Voiture électrique : coup de publicité
ou vraie stratégie de long terme ?
A l’automne dernier, l’annonce de Hertz a provoqué de nombreuses interrogations. Pourquoi le loueur, financièrement exsangue et dont l’activité peinait encore à redémarrer, achetait-il des Tesla au coût important et à la disponibilité limitée ? Fallait-il y voir un coup de communication pour faire oublier son image de groupe en faillite ?
La stratégie allait certainement au-delà. En commandant 100 000 véhicules à Tesla, le loueur a transformé 20 % de sa flotte en véhicules électriques haut de gamme. Selon Bloomberg, le montant du contrat aurait atteint les 4,2 Mds$ – soit plus que l’ensemble des liquidités injectées par les investisseurs pour tirer Hertz de la faillite. A 42 000 $ par véhicule, l’estimation avait de quoi étonner… Surtout quand on sait que les loueurs obtiennent généralement des rabais substantiels sur les prix catalogue. Ça n’a pas été le cas pour Hertz. Elon Musk a en effet indiqué publiquement que « les voitures vendues à Hertz n’ont pas été soldées. [Elles ont été vendues] au même prix que celui proposé aux consommateurs ».
Polestar pourrait s’avérer être un Tesla sous stéroïdes…
Pour Michelle Krebs, analyste chez Cox Automotive, il fallait tout d’abord voir dans ce coup de poker financier une volonté de différenciation auprès des clients. Proposer des Tesla Model 3 puis Model Y, encore chères à l’achat et dont les délais d’approvisionnement ne font qu’augmenter, peut permettre de faire basculer le cœur des clients. Dans un marché de la location de voitures ultra-concurrentiel, proposer des voitures que la plupart des conducteurs ne peuvent s’offrir est un argument.
Il est possible que Hertz aille plus loin en tentant de sortir de son modèle d’affaires pré-COVID-19. Outre la différentiation avec les voitures thermiques habituellement proposées et la possibilité de facturer plus cher la journée de location, les Tesla pourraient bouleverser la stratégie de gestion de flotte.
Habituellement, les loueurs conservent très peu de temps les véhicules de location. Pour proposer en permanence des voitures d’aspect neuf, les entreprises du secteur renouvellent fréquemment leur parc. Les voitures sont généralement cédées au bout de six à douze mois seulement.
Comptant sur le prestige et la robustesse des voitures électriques, Hertz cherche à réduire le turn-over de sa flotte. Le groupe espacerait ainsi les reventes – et les moins-values afférentes – qui plombent les comptes de tous loueurs.
L’arrivée surprise de Polestar
Si le recours aux voitures de Tesla était évident dans le cadre d’une stratégie d’électrification du catalogue par le haut de gamme, Hertz a créé la surprise en annonçant début avril se tourner vers la marque Polestar pour sa deuxième vague d’achats. Ce ne sont pas moins de 65 000 véhicules qui devraient ainsi rejoindre la flotte du loueur de voitures.
Or, Polestar est tout sauf une icône de la voiture électrique. L’entreprise, qui a vendu son premier véhicule de série en 2013, affiche des ventes anecdotiques par rapport à la firme d’Elon Musk. En 2021, elle n’a vendu que 29 000 voitures, soit à peine 3 % des 936 000 Tesla livrées. Son offre actuelle se limite à la Polestar 1, un véhicule hybride, et à la Polestar 2, une berline 100 % électrique dont la ligne et les caractéristiques ne la distinguent pas particulièrement de la masse des véhicules électriques actuels.
La Polestar 2, cheval de Troie de Polestar chez Hertz (photo : Polestar)
Pour comprendre ce curieux choix, il faut étudier en profondeur la feuille de route du constructeur. Si le contrat-cadre prévoit l’achat initial d’un certain nombre de Polestar 2, il s’étend sur cinq ans. Or, le constructeur a prévu un renouvellement accéléré de sa gamme. Après la Polestar 2 low-cost, qui a été annoncée fin mars aux Etats-Unis et qui permet de gagner 10 % sur le prix de vente au prix d’une accélération légèrement moindre, Polestar prévoit de commercialiser d’ici la fin d’année sa Polestar 3 (un SUV). Elle sera suivie fin 2023 de la Polestar 4, un coupé chargé de concurrencer la Porsche Macan, puis de la Polestar 5, une nouvelle berline.
La rentabilité devrait arriver bien plus vite que pour Tesla
Sur la seule année 2022, Polestar prévoit d’augmenter sa zone de chalandise en intégrant l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, les Emirats arabes unis, le Koweït et Israël. L’année prochaine, l’entreprise espère être présente dans près de 30 pays.
Après une augmentation des ventes de +185 % l’année passée, l’entreprise compte commercialiser 65 000 voitures cette année (+124 %) et atteindre les 290 000 véhicules par an à horizon 2025. Il s’agit, au bas mot, d’une multiplication par 10 des cadences par rapport à 2021. La rentabilité devrait arriver bien plus vite que pour Tesla, avec pour objectif un passage des comptes dans le vert dès le prochain exercice.
L’élève fera-t-il mieux que le maître ?
Polestar pourrait s’avérer être un Tesla sous stéroïdes. Arrivée un peu plus tardivement sur le marché des berlines électriques haut de gamme, le constructeur peut s’appuyer sur la maturité de cette industrie et sur celle des consommateurs. Lesquels n’hésitent plus en effet à débourser 40 000 $ à 50 000 $ pour une voiture électrique.
Pour ceux qui veulent parier sur le succès futur de l’entreprise, une stratégie risquée – mais potentiellement ultra-lucrative – est possible. Polestar avait annoncé en septembre 2021 une arrivée en Bourse par le SPAC Gores Guggenheim. Depuis, son IPO est annoncée comme imminente… mais n’a toujours pas eu lieu…
1 commentaire
Bonsoir Messieurs
Merci de me dire le prix de la voiture polestar???
Bien à vous,
Gerald Guilloud