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L’impression 3D au secours de la transition énergétique

par Etienne Henri
Impression 3D aviation Safran

Malgré des promesses séduisantes, le parcours de l’impression 3D n’a pas été bien reluisant ces dernières années. Pas de franc succès au rendez-vous. Faut-il alors remiser cette technologie au rang des innovations inutiles ? Clairement pas. En attendant l’avion à hydrogène, le transport aérien – Safran en tête – compte bien s’appuyer sur la fabrication additive pour accélérer sa transition énergétique. Explications…

L’utilisation de l’impression 3D dans la production de masse ne s’est jamais justifiée

Elle n’a, il est vrai, pas tenu ses promesses pour ce qui est de la démocratisation dans les foyers. Même dans les entreprises, elle n’est pas devenue aussi banale qu’espéré. Mais l’impression 3D n’a pas dit son dernier mot.

Les analystes espéraient que les imprimantes 3D deviendraient aussi incontournables que les imprimantes à jet d’encre qui avaient, en leur temps, rendu obsolète la machine à écrire.

Il faut dire que la promesse était alléchante. En offrant aux particuliers la possibilité de créer à la demande n’importe quelle pièce du quotidien, la fabrication d’objets à domicile devait devenir aussi banale que l’impression d’un document A4. De leur côté, les entreprises devaient dire adieu à la gestion de stocks en produisant à la demande les pièces qui constituent leurs produits.

Mais ce scénario d’usage ne s’est jamais matérialisé. Chez les particuliers, la difficulté d’obtenir les modèles numériques des pièces voulues et l’instabilité du processus d’impression 3D ont eu raison de la motivation des plus technophiles. Ajoutez à cela des coûts d’équipement qui rendent hors de prix la fabrication de pièces de rechange du quotidien – combien de poignées de porte en plastique faut-il imprimer pour amortir une imprimante à 1 000 € ? –, et l’argument économique s’envolait. Même la justification écologique était bien faible : produire pour quelques centaines de grammes de pièces en plastique ne justifie pas d’installer un équipement bardé d’électronique dans tous les foyers.

imprimante 3D

Imprimer des pièces en plastique chez soi. Une bonne idée… en théorie (photo : Gambody)

L’avenir professionnel de l’impression 3D n’a pas été bien plus brillant. Si quelques bureaux d’études ont pu bénéficier du gain de temps offert par la possibilité d’effectuer du prototypage rapide, l’utilisation de l’impression 3D dans la production de masse ne s’est jamais justifiée. Les pièces en plastique réalisées par synthèse additive sont plus chères, plus lentes à produire, et moins qualitatives que celles réalisées par moulage. Et le coût des moules est un faux problème pour un industriel dès que les quantités dépassent la centaine d’unités – autant dire rien pour une production en série.

Faut-il donc remiser l’impression 3D au rang des innovations inutiles ?

Faut-il donc remiser l’impression 3D au rang des innovations inutiles ? Pas nécessairement, car si sa version basique à base de plastique fondu a fait long feu, la version haut de gamme conserve des atouts qui la rendent inestimable pour répondre à certains besoins industriels.

Début septembre, le motoriste Safran a dévoilé sa stratégie pour construire le réacteur d’avion de demain.

Le groupe est formel : pour diminuer une nouvelle fois la consommation des avions de 20 %, comme il l’avait fait lors de la création du moteur LEAP, il faudra recourir à l’impression 3D.

Quand l’impression 3D devient ultra-qualitative 

Oubliez les pièces en plastique rugueuses et irrégulières : la synthèse additive, qui consiste à ajouter couche après couche de la matière jusqu’à obtenir la forme en 3D souhaitée, peut s’avérer supérieure au moulage et à l’usinage.

Si les productions à base de filament de plastique thermofusible sont rarement qualitatives, l’impression 3D haut de gamme se fait à partir de poudre métallique et de lasers qui chauffent les grains avec une précision pouvant atteindre le micromètre (0,000001 m).

impression 3D métallique

Avec l’impression 3D métallique, la qualité des pièces atteint les standards aéronautiques. Ici, une pièce d’atterrisseur en titane (photo : Safran)

Aujourd’hui, Safran utilise l’impression 3D dans moins de 1 % de ses produits, essentiellement pour les moteurs Arriel d’hélicoptères et prochainement sur le moteur M88 des Rafale. Si la Marine a légitimé l’utilisation de la synthèse additive en installant tambour battant des imprimantes sur le porte-avions Charles de Gaulle, seule une douzaine de pièces a été certifiée « impression 3D » dans le catalogue du motoriste – soit un volume négligeable par rapport aux autres méthodes de production.

Toujours plus de pièces imprimées en 3D

Ce ratio pourrait être bouleversé dans les prochaines années. Outre leurs caractéristiques mécaniques acceptables, les pièces métalliques fabriquées en 3D peuvent avoir une structure infaisable en ayant recours à la forge ou à la fonderie.

Selon François-Xavier Foubert, responsable impression 3D chez Safran, l’impression 3D permet de « ne mettre de la matière que là où il y en a besoin », ce qui permet d’obtenir des pièces 20 % à 30 % plus légères que celles construites avec les méthodes traditionnelles. Le gain se fait à la fois sur la matière première à mobiliser durant la phase de fabrication, et sur le poids de la pièce finie – un critère crucial dans l’aéronautique où chaque gramme compte.

Pour l’équipementier, l’intérêt de la technique ne fait plus de doute. Un assemblage de 152 pièces d’un moteur d’hélicoptère a été rassemblé en une seule pièce, et les ingénieurs estiment qu’au moins 25 % des pièces d’un avion pourraient être fabriquées en impression 3D à terme.

Les nouveaux procédés, éléments cruciaux du zéro carbone 

La feuille de route de Safran nous prouve que la décarbonation n’a pas à être une sobriété énergétique subie. Elle peut aussi être le résultat d’un travail industriel acharné et le fruit de progrès technologiques.

Objet de toutes les critiques malgré son poids limité dans les émissions totales de gaz à effet de serre, le transport aérien a décidé de faire sa transition énergétique. Organisé sous la houlette de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI, qui dépend de l’ONU), c’est sans nul doute l’industrie la plus standardisée à l’échelle internationale.

Pour Safran, l’intérêt de la technique ne fait plus de doute

Le 7 octobre, après d’intenses discussions qui ont duré deux semaines et rassemblé plus de 2 500 délégués, l’organisation a adopté une résolution visant à atteindre le zéro carbone à horizon 2050. C’est la première fois qu’un secteur industriel aussi structuré décide, hors des contraintes étatiques, de s’imposer un objectif aussi ambitieux à l’échelle de la planète.

Les compagnies aériennes devront donc disposer à cette échéance d’avions neutres en émissions de CO2. Pour y parvenir, disposer de systèmes de propulsion plus efficaces et plus légers sera impératif… et le recours à l’impression 3D semble inévitable.

Safran a ouvert début octobre le Safran Additive Manufacturing Campus, un site industriel situé au Haillan, près de Bordeaux. Le nouveau campus, qui s’étend sur 12 000 m² et pourra accueillir 200 salariés, doit faire passer la production annuelle du groupe au-delà des 10 000 pièces par an en nickel, aluminium ou titane.

A la clé : la production du futur moteur Rise. Celui-ci, qui devrait conduire à une modification de la forme des avions civils comme nous n’en avons pas connu depuis les années 1950, nécessitera l’emploi de céramiques utilisées dans les moteurs de fusée, de fibre de carbone tissée en 3D, et de pièces réalisées en synthèse additive.

C’est à ce prix que l’aviation civile pourra espérer baisser la consommation des appareils de plusieurs dizaines de pourcents et, avec le recours au carburant de synthèse, voler zéro carbone en attendant l’avion à hydrogène…

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