Accueil Energies et transportsCourse à l'espace La 5G passera également par les satellites

La 5G passera également par les satellites

par Edern Rio
Film ESA

C’est une nouvelle qui est passée presqu’inaperçue la semaine dernière alors que tous les regards étaient pointés sur l’expérimentation 5G de Bouygues à Bordeaux. Inaperçue donc mais pourtant essentielle… Après avoir validé la release 15 de la spécification 5G le 15 juin dernier, l’organisation internationale 3GPP en charge de la normalisation des standards 5G s’est mise au travail sur la release 16. L’intégration des satellites à la norme 5G est notamment au programme de cette nouvelle étape.

Pourquoi l’industrie du satellite rejoint-elle la 5G

Historiquement, opérateurs satellites et opérateurs mobiles se vivent plutôt comme des concurrents.

En effet, actuellement les deux réseaux sont presqu’entièrement distincts. En France, vous pouvez passer par des fournisseurs d’accès par Internet classiques (c’est-à-dire terrestres, que ce soit sur le mode filaire ou le mode radio) ou bien par satellite.

Chacun sait d’ailleurs qu’il vaut mieux faire appel à un prestataire traditionnel, le satellite offre des services bien moindres pour un coût plus élevé.

Mais nous n’avons pas tous le choix, il est bien des régions reculées où seul un accès par satellite est possible.

Et c’est dans ces zones inaccessibles par les réseaux terrestres que les satellites proposent leurs services : connexion en vol, sur les mers ou dans les zones montagneuses.

L’autre grand secteur où les satellites font leur miel est celui de la diffusion télé. Mais celle-ci semble reculer inexorablement au profit de la consommation de contenus vidéo par Internet. Deux chiffres sur ce point :

  • Canal+ aurait perdu un demi-million d’abonnés en 3 ans ;
  • aux Etats-Unis, plus de 50% du trafic sur Internet provient de Netflix et de YouTube.

La télévision elle aussi est désormais en train de se faire dévorer par Internet. L’industrie du satellite doit donc se renouveler…

Ce n’est sans doute pas un hasard si les grandes entreprises du secteur (Airbus Defence and Space, Echostar, Eutelsat, Hispasat, SES, Thales Alenia Space, Viasat…), associées à l’Agence spatiale européenne, ont créé en 2017 l’association Satellite for 5G, dont le but avoué est de démontrer l’utilité de l’intégration des satellites dans le dispositif de la 5G.

Association dont le travail portera ses fruits dans la release 16 de la norme 5G dont la validation est prévue pour fin 2020.

Les satellites au cœur de l’écosystème 5G

La 5G poursuit plusieurs objectifs. Le plus perceptible par le consommateur est évidemment l’augmentation du débit qui doit être multiplié par 10 voire par 100. La démonstration de Bouygues à Bordeaux a commencé par la diffusion en streaming d’un film HD. Nous devrons pouvoir télécharger un film de 8 Go en quelques secondes.

Quiconque a essayé un jour de surfer sur Internet par satellite aura des doutes sur ce premier point. Pourtant, figurez-vous que de ce côté-là les satellites font d’énormes progrès.

SES est parvenu ce mois-ci à transmettre en streaming un film ultra HD depuis un satellite Astra…

Eutelsat a lancé en 2017 un des premiers satellites capables d’offrir du haut débit (1.8 Gbit/s.) aux avions circulant au-dessus du Pacifique…

Les satellites sont en train de passer à un nouveau standard dénommé HTS (pour High-Throughput Satellite). Son principe : plutôt que de couvrir une large zone avec un seul faisceau, il en émet une multitude dont chacun a une cible bien précise. SES notamment annonce que ses satellites pourront émettre jusqu’à 4 000 faisceaux ciblés.

Deuxième point essentiel, le temps de latence doit être réduit drastiquement.

Avant, à l’époque où l’interactivité n’était pas aussi développée qu’à l’heure actuelle, les industriels de la connectivité se souciaient peu de la latence. Pour eux il n’y avait pas d’enjeu particulier. Mais, aujourd’hui les choses ont changé. C’est devenu une composante incontournable à prendre en compte. Aussi, les acteurs du secteur planchent ardemment sur le sujet afin de descendre sous la milliseconde. C’est essentiel pour tous les services à distance qui exigent une forte interactivité, notamment les voitures autonomes (ou les navires d’ailleurs).

Et, sur ce point, les satellites actuels partent avec un sérieux handicap. Les grands satellites géostationnaires qui gravitent à 36 000 kilomètres (km) ne parviennent pas à descendre en dessous de 600 millisecondes (ms). C’est pourquoi ils sont peu à peu abandonnés pour des satellites plus petits en orbite plus basse.

Ces nouveaux engins pèsent entre 1 et 100 kilogrammes (kg) et gravitent entre 8000 et 500 km au-dessus de la planète. Ce poids réduit permet notamment de limiter les coûts de lancement.

Le réseau O3B de SES, qui compte actuellement 12 satellites orbitant à 8 000 km, ambitionne d’offrir un accès Internet à l’ensemble de la population mondiale pour un temps de latence de l’ordre de 150 ms.

Le projet OneWeb de constellation de nanosatellites orbitant aux environs de 1 500 km devrait atteindre une latence de 25 ms.

La 5G s’est également fixé pour mission de résoudre le problème des zones blanches où l’accès à Internet est impossible. Si l’Internet par satellite devient accessible à tout un chacun, ce problème disparaitra immédiatement. Comme le dit Didier Le Boulc’h, vice-président stratégies et solutions de télécommunications chez Thales Alenia Space, on aura dès lors accès à « un service de communication mobile minimal garanti ».

Enfin, la 5G doit résoudre le problème de l’explosion annoncée du nombre d’objets connectés, jusqu’à un million par km2 selon l’ARCEP. Sur ce point, la latence doit être absolument minime. Nous apprenions justement en mars dernier qu’EutelSat prévoyait de mettre en place des nanosatellites (moins de 10 kg) en orbite basse pour répondre à cette problématique.

L’industrie du satellite est à un tournant. Elle doit se repositionner pour se mettre au service d’une société toujours plus communicante et mondialisée. L’unification des normes est un facteur de compétitivité très important dans le domaine technologique. C’est ce que l’on désigne habituellement sous le terme d’interopérabilité. Voilà tout l’enjeu aujourd’hui pour les acteurs du satellite : fonder une nouvelle alliance entre l’Internet terrestre et l’Internet spatiale.

Articles similaires

5 commentaires

Labasse SYLLA 31 mars 2020 - 16 h 10 min

Bonjour,
J’ai des questions sur le sujet : La 5G passera par les satellites.
Nous savons que les satellites présentent des limites (latence, couverture….), comment les fournisseurs satellites comptent s’affranchir (quelles technologies seront mises en place) des caractéristiques de la 5G ???
– Ondes millimétriques ?
– Petites cellules ?
– Massive MIMO ?
– Beamforming ?
– Full duplex ?
Merci, dans l’attente de vous lire.

Reply
Avatar photo
Edern Rio 3 avril 2020 - 8 h 35 min

Comme expliqué dans l’article, c’est principalement en rapprochant ses satellites de la Terre que l’Internet spatial va améliorer ses performances.

Reply
Labasse SYLLA 3 avril 2020 - 11 h 46 min

Bonjour Edern,
Merci pour votre réponse. Je vous reviendrai s’il ya des questions pour ma compréhension.
Bon week-end à vous.

Reply
Labasse SYLLA 5 avril 2020 - 0 h 00 min

Bonjour Edern,
J’ai deux questions à vous poser :
– Est-ce que les satellites GEO seront rapprochés de la terre en les plaçant sur les orbites LEO et/ou MEO ?
– Si oui, quelles seront les fréquences millimétriques utilisées sur les orbites LEO et/ou MEO ?
Merci.

Reply
Nicolas 18 mai 2020 - 14 h 59 min

Voici une info trouvé sur wikipedia:
SpaceX propose d’abaisser fortement l’altitude des satellites servant de relais pour diminuer le temps de latence. Une altitude basse présente toutefois deux inconvénients. Le satellite n’est plus fixe au-dessus d’une zone mais défile rapidement et il n’est visible que depuis une région beaucoup plus limitée de la surface de la Terre. Pour assurer une couverture planétaire, la constellation Starlink est constituée d’une première flotte de 4 425 satellites qui est déployée à une altitude comprise entre 1 150 et 1 325 kilomètres. Chaque satellite sera visible depuis le sol dans un rayon de 1 060 km sous une élévation d’au minimum 40°. La liaison internet d’un utilisateur donné est assurée par une succession de satellites défilant à une fréquence élevée. Pour assurer la coordination rendue nécessaire par ce défilement, les satellites communiqueront entre eux par liaison laser. Une fois cette constellation en place, SpaceX prévoit de lancer environ 7 518 satellites sur une orbite plus basse (340 kilomètres) pour garantir un débit élevé en accroissant la capacité du système et pouvoir entrer en compétition avec les services assurés par des réseaux terrestres45.

La constellation Starlink doit comporter à terme 12 000 satellites répartis sur trois niveaux d’ici le milieu des années 2020 : 1 600 doivent être placés à une altitude de 550 kilomètres, 2 800 satellites émettant dans les bandes Ku et Ka doivent circuler à une altitude de 1 150 km et environ 7 500 satellites émettant en bande V sont placés à une altitude de 340 km. La bande V (40 à 75 GHz) qui est située immédiatement après la bande Ka (12 à 40 GHz) n’a jusque là pas été utilisée par les satellites de télécommunications et son usage est donc expérimental. Cette gamme de fréquence est considérée comme prometteuse car elle permet de très grands débits mais elle est sensible aux fluctuations météorologiques (pluie, mauvais temps) ce qui impose des solutions de contournement27.

Reply

Laissez un commentaire