Accueil A la une Le drone qui semait du riz
drone champs de riz

Ils avaient déjà fait leurs preuves quant à leurs capacités de surveillance.

Qu’il s’agisse d’étudier méticuleusement des centaines de kilomètres de voies ferrées, de jeter un œil sur les lieux d’un accident industriel ou, plus récemment, de surveiller des populations confinées durant l’état d’urgence sanitaire, l’intérêt des drones n’est plus à démontrer.

Jusqu’ici, toutefois, les activités économiquement rentables de ces engins futuristes se sont résumées à une tâche unique : projeter la vision humaine dans les endroits dangereux ou inaccessibles.

Les expériences basées sur le transport de charges, comme la livraison à domicile, sont des concepts passionnants mais encore loin d’être une réalité. La seule exception est l’utilisation massive par l’armée américaine de drones pour effectuer des frappes aériennes depuis les années 2000 – une utilisation létale qui ne réjouit pas forcément les amateurs de machines volantes.

Les choses pourraient bien changer avec l’arrivée d’une nouvelle génération de drones agricoles. Pour la première fois, des quadricoptères ont été utilisés pour une action à forte valeur ajoutée et à l’utilité sociale incontestable : la semaison du riz.

L’agriculture : socle oublié des sociétés technologiques 

Se déplacer en train ou en avion permet de réaliser la place qu’occupe encore l’agriculture dans nos sociétés technologiques. En Europe, 40 % du territoire sont utilisés pour les besoins des activités agricoles et ce ratio dépasse les 54 % en France. Le gigantisme des champs de céréales de certaines régions donne le tournis et nous rappelle à quel point cette activité est vitale.

L’entreprise chinoise XAG a semé 1 200 mètres carrés de rizière en deux minutes

Pourtant, la part des agriculteurs ne fait que diminuer dans la population occidentale. Elle est passée de 65 % à 4 % des actifs de 1851 à nos jours, et beaucoup d’économistes attribuent à ce « miracle agricole » la croissance du niveau de vie que nous avons connu depuis les débuts de la révolution industrielle.

Il est vrai qu’il est difficile d’avoir un grand nombre d’ouvriers, ingénieurs, médecins et infirmières lorsque 65 % de la population active doit travailler aux champs pour assurer sa sécurité alimentaire.

Nous avons eu, en Europe, la chance de pouvoir mécaniser régulièrement notre production agricole. Utilisation de la charrue, du tracteur et, désormais, des tracteurs pilotés par GPS ont permis de cultiver des champs de céréales toujours plus grands pour un effort humain toujours plus petit.

L’autre moitié de la population mondiale qui dépend du riz comme source principale de calories a été moins chanceuse. Du fait de la topographie compliquée des rizières, le travail manuel est resté prépondérant et l’automatisation s’est avérée délicate.

rizière en terrasse

Un tracteur n’a pas beaucoup d’utilité dans une rizière en terrasse

L’Inde (1,3 milliard d’habitants) et la Chine (1,39 milliard d’habitants) dépendent encore fortement du labeur manuel pour nourrir leur population. Avec l’augmentation progressive du niveau de vie qui rend le travail dans les rizières de moins en moins acceptable pour les jeunes, l’exode rural et le vieillissement de la population agricole, le temps presse pour trouver une solution qui remplacera la main humaine.

Quand la machine volante remplace (enfin) l’homme

Mi-avril, l’entreprise chinoise XAG a réalisé dans la région de Canton la première démonstration de semage automatisé de riz. Utilisant un drone équipé d’un système de dispersion propriétaire, ses équipes ont semé 1 200 mètres carrés de rizière en deux minutes seulement.

drone seme riz plantations

Pour la première fois, les cultivateurs cantonnais ont pu semer du riz par les airs
Crédit : XAG

En parallèle, des ouvriers agricoles ont été chargés d’effectuer la même mission. Pour couvrir une surface identique, il leur a fallu 25 minutes de travail laborieux.

Dans cette première version, le drone s’avère ainsi plus de dix fois plus rapide que le travail manuel. A terme, XAG annonce une performance de 50 000 m² par heure, soit une augmentation de productivité d’un facteur 50 à 60 par rapport au labeur manuel. Mieux encore, XAG dispose d’une technologie de navigation nocturne. L’activité pourra ainsi avoir lieu la nuit, lorsque le vent se calme, augmentant d’autant la précision du semage.

A peine un mois après la première opération grandeur nature, XAG a annoncé fin mai avoir débuté le déploiement commercial de son drone. Selon le constructeur, plusieurs exploitations auraient déjà commencé à s’équiper du système.

Vers un avenir technologique et économique plus radieux 

Il est naturel, dans le contexte de chômage que nous traversons en France, d’avoir un réflexe de méfiance face aux innovations technologiques dont l’objectif affiché est de faire disparaître des emplois manuels peu qualifiés.

N’oublions pas toutefois que l’Asie fait face à un double défi : maintenir sa sécurité alimentaire tout en gérant la disparition de sa main d’œuvre agricole. Son objectif premier n’est pas de trouver comment occuper ses jeunes diplômés, mais d’éviter les famines dans les prochaines années.

Dans ce but, remplacer des semeurs de riz par des drones pourra se faire naturellement à mesure que les travailleurs les plus âgés quitteront les rizières. Piloter un drone est une tâche moins ingrate et dangereuse que de travailler les pieds dans l’eau : les jeunes générations pourront ainsi revenir naturellement aux champs et contribuer à la production alimentaire sans pour autant avoir à faire le même travail manuel que leurs aïeux.

Avec l’épidémie de COVID-19 qui a, comme chez nous, limité la mobilité des travailleurs agricoles et exacerbé les tensions sur le marché de l’emploi saisonnier, il n’est pas étonnant que cette solution technologique soit déjà plébiscitée par les agriculteurs et les pouvoirs publics.

La semaison automatisée du riz n’est pas qu’une lubie de technophiles ou une menace pour l’emploi : c’est avant tout une réponse qui tombe à pic pour éviter les risques de pénurie alimentaire pour des milliards d’êtres humains !

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2 commentaires

Francis 12 juin 2020 - 19 h 31 min

La culture du riz ne se fait pas par semage ni semaison mais par semis. Quant à la dispersion des graines, elle est peut être pneumatique ou centrifuge mais certainement pas propriétaire, ça ne veut rien dire.

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Edern Rio 19 juin 2020 - 8 h 58 min

Merci de vos précisions. Le terme de semage existe pourtant bien et désigne l’action de semer, mais il est vrai que nous aurions sans doute dû lui préféré celui d’ensemencement. Quant à l’adjectif propriétaire il désigne le système et non la dispersion. Merci de nous lire.

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