[Face à l’urgence climatique, notre société doit se décarboner. Du côté des pouvoirs publics, les dispositions nécessaires se mettent en place. Ces dernières vont bouleverser des pans entiers de notre économie – notamment le transport aérien. Et, pour ne pas se retrouver en porte-à-faux, le secteur de l’aéronautique, Airbus en tête, est à pied d’œuvre pour bien négocier ce virage zéro carbone…]
La Convention citoyenne pour le climat a mis un véritable coup de pied dans la fourmilière législative française. Le projet de loi « Climat et résilience », soumis à l’Assemblée nationale début mars, a repris près d’une cinquantaine de ses propositions. Toutes vont dans le même sens : obliger l’économie française à se décarboner.
Si la loi n’y suffit pas, c’est la Constitution qui sera mise à contribution. Un référendum devrait être organisé sous peu pour valider, auprès des citoyens, l’introduction de « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique » dans son article premier.
Ces futures dispositions sont une épée de Damoclès pour des pans entiers de notre industrie. Le transport, et plus particulièrement le transport aérien, fait partie des premières activités qui se retrouveront très vite en porte-à-faux avec l’objectif « zéro carbone » de la feuille de route française.
Déjà, l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’il existe une alternative ferroviaire rapide, a été entérinée. Une taxation dissuasive des billets long-courrier au départ de la France, un temps évoquée, n’a finalement été écartée que pour préserver la compétitivité de nos aéroports internationaux face à leurs concurrents européens.
C’est dire si le secteur du transport aérien a dû sentir le vent du boulet…
Le transport aérien condamné ?
Pour beaucoup, ce moyen de transport est condamné. Parce qu’il représente, dans l’imaginaire collectif, des voyages de confort ; parce qu’il est grand émetteur de CO2 donc bientôt en conflit avec la trajectoire décidée dans les Accords de Paris ; et enfin parce que toute une partie des vols, assurant du transport de marchandises, est inconnue du grand public et donc absente des discussions.
L’industrie n’a pas dit son dernier mot.
Mais l’industrie et l’innovation n’ont pas dit leur dernier mot. Faire voler des avions au kérosène fossile est, certes, très polluant. Un passager qui fait un aller-retour long-courrier peut émettre autant de CO2 qu’un automobiliste sur un an. Même les batteries au lithium, qui ont rendu la voiture électrique individuelle enfin abordable (et désirable), sont impuissantes lorsqu’il s’agit de faire voler des avions commerciaux.
Il existe, pourtant, deux solutions activement envisagées par le monde de l’aviation. La première consiste à faire voler des avions au kérosène de synthèse, la seconde à l’hydrogène. Et les deux ont fait des progrès importants ces derniers temps…
Premier vol d’un avion avec du carburant 100 % durable
Mi-mars, l’avionneur Airbus (EPA : AIR) et son équipementier Rolls-Royce (LON : RR) ont fait voler pour la première fois un avion de ligne commercial dont les réacteurs étaient alimentés à 100 % par du biocarburant.
Préparé par le raffineur Neste (HEL : NESTE), le carburant propre a permis à un A350 de s’envoler à Toulouse pour un vol de test. Si les certifications actuelles prévoient d’alimenter les appareils avec un mélange 50/50 kérosène et bio-carburant, les vols 100 % verts étaient jusqu’ici une inconnue.
L’A350 est le premier long-courrier à voler avec 100 % de biocarburant
Image : Airbus
Pour Airbus et Rolls Royce, l’objectif du test était de valider que l’appareil se comporterait de façon absolument identique malgré l’usage exclusif de carburant durable. Ce point crucial ayant été validé par les ingénieurs d’Airbus, il reste désormais à quantifier l’impact de ce carburant alternatif sur les émissions locales de particules fines et autres composés polluants – sans oublier le volume et la consistance des traînées ou encore le niveau sonore.
Airbus a fait voler un avion de ligne 100 % bio
Si les réacteurs se montrent capables d’être alimentés en biocarburant avec des performances inchangées, une bascule des aéroports vers cette solution propre permet d’envisager rapidement des vols neutres en carbone sur toutes les lignes, qu’elles soient court ou long-courrier.
Pour Steven Le Moing, responsable du programme Airbus New Energy, il s’agit de « l’une des meilleures solutions à faible émission de carbone de l’industrie aéronautique, avec un impact immédiat sur les émissions de CO2« . Il n’a pas tort : des vols neutres en CO2 signifieraient que le secteur du transport aérien pourrait reprendre sa croissance pré-COVID et participer à la mobilité humaine sans nuire à la planète.
Pourtant, l’industrie ne se repose pas sur ses lauriers et ne compte pas arrêter ses recherches avec l’arrivée imminente des vols à biocarburant. L’étape d’après est de ne plus dépendre des hydrocarbures de synthèse et d’utiliser directement de l’hydrogène.
L’avion à hydrogène confirme son potentiel
Sur ce sujet encore, Airbus joue le rôle de précurseur. L’avionneur explore en parallèle deux pistes. La première consiste à brûler, comme du kérosène, l’hydrogène dans les réacteurs. Le gaz serait alors utilisé pour son pouvoir calorifique (comme du gaz naturel), ce qui aurait pour avantage de conserver la structure actuelle des motorisations.
Il est possible d’embarquer tout le matériel nécessaire à une propulsion 100 % hydrogène dans un aéronef
Cet usage de l’hydrogène a pour mérite de diminuer les émissions de CO2 et de particules fines en sortie de réacteur. Il permettrait en outre de mettre à profit nos capacités croissantes de production d’électricité renouvelable en produisant le carburant directement dans les aéroports.
Malgré ces avantages, Airbus compte aller encore plus loin dans la modernisation de la propulsion des appareils.
Le constructeur envisage dans un second temps d’embarquer directement des piles à combustible dans les avions. L’hydrogène serait alors utilisé pour alimenter de puissants moteurs électriques : « l’avion électrique », promesse jamais tenue des fabricants de batterie, serait alors une réalité. Des études préliminaires autour de cette véritable rupture technologique sont en cours avec l’équipementier Safran (EPA : SAF).
Les géants français de l’aéronautique pourraient ainsi faire entrer le transport aérien dans l’ère du « zéro-carbone » – s’ils ne se font toutefois pas damer le pion par des startups.
Les startups en embuscade
En fin d’année, ZeroAvia a fait voler au Royaume-Uni pour la première fois un avion commercial propulsé par une pile à combustible alimentée à hydrogène. Ce vol d’essai a confirmé qu’il est possible d’embarquer tout le matériel nécessaire à une propulsion 100 % hydrogène dans un aéronef – qui plus est un petit modèle.
La startup ZeroAvia est la première à avoir fait voler un avion commercial muni de pile à combustible à hydrogène
S’il n’a pas la taille d’un A350, le Piper Malibu de six places reste une étape importante pour la startup qui souhaite commercialiser au plus vite des vols court-courrier sur des appareils embarquant une vingtaine de passagers. D’ici la fin de la décennie, ZeroAvia compte opérer des appareils à hydrogène d’une capacité de 100 à 200 passagers sur des distances allant jusqu’à 3 700 km. Une autonomie suffisamment grande pour rejoindre Moscou, Tel Aviv ou Le Caire depuis Paris et Londres.
Aujourd’hui boudées par les investisseurs et les pouvoirs publics qui voient en elles des symboles d’un autre temps, les entreprises du secteur aérien n’ont pas dit leur dernier mot. Elles pourraient même, paradoxalement, connaître une nouvelle jeunesse dans un monde où la mobilité « zéro-carbone » serait devenue la norme.
1 commentaire
Je souhaite investir sur un panel de start up en lien avec l ‘ hydrogène. Merci