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Nvidia privée d’ARM, SoftBank dégaine son plan B

par Etienne Henri
Softbank Nvidia ARM IPO

[C’était une opération très attendue. Pourtant, elle n’aura pas lieu… Nvidia renonce à ses velléités de rachat concernant ARM. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais ce n’est pas le cas. Masayoshi Son, grand patron du fonds d’investissement SoftBank, en a décidé autrement. ARM retrouvera donc les chemins de la Bourse. Et ce, avant mars 2023… Si le succès technologique d’ARM n’est plus à démontrer, rien n’est moins sûr pour son IPO. Il n’y a qu’à voir les parcours boursiers de WeWork, Grab et Auto1 pour s’en convaincre. Ils nous laissent augurer du pire…]

Les autorités auront finalement eu raison du méga-deal de la décennie. La vente d’ARM, propriétaire de l’architecture de puces informatiques du même nom, que SoftBank voulait céder à Nvidia pour 80 Mds$, n’aura pas lieu.

Pour les investisseurs particuliers, l’IPO d’ARM offrira la possibilité de revenir sur le dossier…

En fin d’année dernière, les autorités s’inquiétaient du possible abus de position dominante si l’architecture ARM tombait dans les bras du concepteur de cartes graphiques. Ces dernières semaines, la chute récente des valeurs de la tech rendait la valorisation négociée de moins en moins justifiable.

Il n’en fallait pas plus pour que les deux groupes jettent l’éponge. Après un changement de P-DG, ARM a annoncé qu’elle ne serait plus vendue à Nvidia mais introduite en Bourse, très probablement à New-York.

Pour SoftBank, cette IPO devrait être l’occasion de valoriser son achat qui lui avait coûté la bagatelle de 32 Mds$ en 2016. Avec l’insolente diffusion de la technologie ARM, l’IPO pourra s’appuyer sur l’intérêt de nombreux gérants de fonds et du grand public. Pour les investisseurs particuliers, l’opération offrira la possibilité de revenir sur le dossier… mais cette introduction en Bourse ne sera peut-être pas à leur avantage.

Un an pour se débarrasser d’ARM

SoftBank étant dans une position financière délicate, la vente d’ARM était attendue avec impatience. Si elle ne se fera pas auprès de Nvidia, elle devrait toutefois avoir lieu rapidement puisque l’IPO est prévue avant mars 2023. Le groupe aura donc moins d’un an pour « habiller la future mariée », effectuer toutes les démarches légales et lancer les souscriptions.

Si les questions règlementaires devraient être plus faciles à gérer qu’une vente à un acteur de la tech qui inquiète les autorités anti-concurrence, l’IPO ne sera toutefois pas une formalité. Elle nécessite en effet une totale transparence quant à l’état de l’entreprise et ses filiales pour que les investisseurs puissent avoir toutes les informations à leur disposition.

L’opération ne sera pas une formalité

Or, la maison-mère d’ARM est actuellement engagée dans un conflit rocambolesque avec sa filiale chinoise. Depuis plus de deux ans, la société a perdu le contrôle de sa division dans l’empire du Milieu dont le dirigeant, Allen Wu, a refusé de quitter son poste après s’être fait remercier par le conseil d’administration. De procès en procès, Wu garde de fait la présidence de l’entité locale. Selon le Financial Times, il ne communiquerait plus ses comptes annuels au groupe et aurait même ordonné aux agents de sécurité sur place d’interdire l’accès des locaux aux représentants de la maison-mère. Face à cette mutinerie, le groupe est dans une position délicate. Couper les ponts avec la filiale compliquerait l’activité sur le territoire chinois, tandis que laisser Wu à la tête de la filiale serait un aveu d’échec inacceptable.

Un an ne sera donc pas de trop pour faire le ménage dans le groupe ARM. Ce n’est qu’une fois cela fait que l’IPO pourra avoir lieu – et que les investisseurs particuliers pourront se demander s’il faut devenir (ou redevenir) actionnaire de cette entreprise, pierre angulaire de l’informatique moderne.

Un bon pari pour l’investisseur ? 

La valeur industrielle d’ARM n’est plus à prouver. Je vous relate souvent, dans ces colonnes, à quel point les technologies développées par ses ingénieurs ont révolutionné le monde de l’électronique et, par ruissellement, l’intelligence de nos objets du quotidien.

Pour savoir quelle devrait être la trajectoire boursière post-IPO d’ARM, regardez WeWork, Grab et Auto1

C’est grâce aux puces ARM qu’il est possible de rendre n’importe quel appareil électronique aussi puissant qu’un ordinateur des années 1990. Et ce, pour quelques dollars… Ce sont des puces ARM qui équipent les smartphones haut de gamme, les processeurs les plus efficaces pour l’informatique mobile et, depuis peu, les supercalculateurs les plus puissants au monde. Autant dire que l’entreprise n’a pas fini de faire des bénéfices.

Pour autant, cela n’en fait pas une valeur à acheter les yeux fermés en cas d’IPO. Masayoshi Son, le fondateur et P-DG de SoftBank, a des pratiques contestées… Mais personne ne peut lui retirer une capacité hors norme à faire gonfler les valorisations de ses pépites. Or, ce qui fait les affaires du vendeur n’est pas au bénéfice de l’acheteur. Des entreprises survalorisées et mises sur le marché au prix fort laissent peu de place pour des plus-values.

Passons sur la délicate question des valorisations d’entreprises non cotées, que Son est passé maître dans l’art de faire augmenter année après année. C’est à cause de cette pratique constante du gonflement de bilan que je vous suggère depuis longtemps de rester à l’écart des actions SoftBank, dont l’actif net est sujet à caution. Pour savoir quelle devrait être la trajectoire boursière post-IPO d’ARM, regardez plutôt le parcours boursier de WeWork, Grab et Auto1, trois joyaux de SoftBank qui ont été introduits en Bourse dans des contextes similaires…

Ce que nous apprennent WeWork, Grab et Auto1

Après un douloureux processus d’introduction en Bourse qui dura près de deux ans, SoftBank a placé WeWork sur NYSE fin octobre 2021. L’opération a été réalisée par le biais d’une fusion avec un SPAC. Moins de quatre mois plus tard, le titre a déjà cédé plus de 30 % de sa valeur ! Les particuliers qui ont acheté les actions du SPAC peuvent s’en mordre les doigts…

Et le fait de savoir que SoftBank a perdu, dans la bataille, près de 90 % de la valorisation de sa pépite par rapport au sommet de valorisation lorsque le titre n’était pas coté n’est qu’une maigre consolation.

WeWork graphe bourse post-IPO

-30 % pour les investisseurs grand public, -90 % pour SoftBank, le dossier WeWork est perdant-perdant
(infographie : Investing.com)

Même destin boursier pour le VTC Grab. L’éternel concurrent d’Uber a rejoint la Bourse de New York début décembre. Ici encore lors d’une fusion avec un SPAC. Son évolution est en tout point similaire. Le dossier a effacé en trois mois 54 % de sa valeur ! La chute est encore plus dure que le titre du SPAC avait, avant la fusion, connu une fièvre spéculative qui l’avait propulsé au-dessus des 13 $. Ici encore, ce sont les petites mains qui se sont faites plumer…

Grab graphe bourse post-IPO

-54 % en trois mois : Grab fait encore pire que WeWork (infographie : Investing.com)

La purge ne concerne pas que les grands noms de la tech. La startup allemande Auto1, qui se veut être le plus grand concessionnaire de voitures d’occasion en Europe, faisait partie des pépites à fort potentiel de SoftBank. Le marché ne semble pourtant pas croire aux promesses de Masayoshi Son, et le titre a réussi à perdre 75,5 % de sa valeur depuis son premier jour de cotation.

Auto1 graphe bourse post-IPO

Les actionnaires d’Auto1 n’ont pas eu plus de chance que ceux de WeWork ou Grab
(infographie : Investing.com)

Ces exemples prouvent qu’il est plus rentable de vendre des actions à Masayoshi Son que de lui en acheter. Sa tendance à survaloriser ses participations réduit drastiquement les chances de plus-values pour les investisseurs qui seraient tentés par l’achat de titres dont il se débarrasse.

Mieux vaudra se tenir à l’écart 

Aussi, malgré les qualités intrinsèques indéniables d’ARM, et sauf si les actions sont offertes sur une base extrêmement décotée, mieux vaudra se tenir à l’écart de l’IPO en attendant un probable reflux du titre.

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1 commentaire

Stockric 17 février 2022 - 11 h 47 min

Bref, en 6 mots, Masayoshi Son est un bel escroc !

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