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SAF : 3 lettres dont la décarbonation des avions ne pourra se passer

par Etienne Henri
aéronautique carburant de synthèse

[Considéré comme encourageant les déplacements inutiles et comme agent de propagation des pandémies, le transport aérien est la première cible des revendications des décroissants de tous bords. Pour autant, une étude publiée récemment estime que l’hydrogène n’est une solution ni complète, ni immédiatement mobilisable pour décarboner le secteur…. Heureusement, l’industrie ne manque pas d’idées pour régler ces problèmes et met à l’honneur des solutions de transition comme le SAF…] 

Si nous supprimions nos émissions de CO2 du jour au lendemain, notre société s’effondrerait sans espoir de rebond

La transition énergétique est un exercice d’équilibre entre temps court et temps long. Ce qui nécessite rigueur et pragmatisme. C’est pour cette raison que nos gouvernements ont compris que l’option nucléaire était un mal nécessaire pour nous laisser le temps de remplacer les centrales à flamme par des sources renouvelables.

C’est aussi pour cela que je vous suggère fréquemment de ne pas enterrer trop vite les entreprises pétrolières et gazières. Nous en avons besoin pour nous accompagner dans la migration vers le zéro carbone.

N’y voyez-là aucun fatalisme. Il ne s’agit pas de se contenter des sources d’énergies « moins pires que les autres », mais bien d’accompagner sans dogmatisme une mutation sociétale et industrielle qui n’a rien de trivial. Si nous supprimions nos émissions de CO2 du jour au lendemain, notre société s’effondrerait sans espoir de rebond.

Le secteur du transport aérien nous offre une parfaite illustration de ce besoin de pragmatisme. Même s’il ne représente que quelques pourcents des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sa réputation sulfureuse en fait une activité particulièrement scrutée. Considéré comme encourageant les déplacements inutiles et comme agent de propagation des pandémies, il est la première cible des revendications des décroissants de tous bords.

Tout récemment, une étude de l’ONG International Council on Clean Transportation (ICCT) a calculé que les avions à hydrogène ne suffiraient pas à décarboner le secteur du transport aérien. Si tous les analystes sérieux considèrent que cette énergie est, contrairement aux batteries, la seule à même de réduire le bilan carbone du transport aérien, l’ICCT tire la sonnette d’alarme en rappelant que l’hydrogène n’est une solution ni complète, ni immédiatement mobilisable.

Quel chaînon manquant entre le kérosène et l’hydrogène ? 

Malgré la feuille de route ambitieuse de l’avionneur européen Airbus, qui prévoit de mettre sur le marché des avions court-moyen-courriers fonctionnant à l’hydrogène à horizon 2035, ce carburant ne permettra pas d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à court terme.

Tout d’abord, même si la date butoir de 2035 est demain à l’échelle de temps de l’aéronautique, elle dépasse largement l’horizon 2030 qui borne de nombreux plans étatiques de neutralité carbone. L’avion à hydrogène d’Airbus, même s’il voyait le jour sans retard (ce qui n’a rien de gagné vu la complexité technologique), ne nous aidera en aucun cas dans notre processus de décarbonation avant la fin de la décennie.

L’hydrogène ne permettra pas d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à court terme

Même en 2035, la partie sera loin d’être gagnée. L’ICCT confirme que « les avions à hydrogène sont viables sur les vols court-moyen-courriers, et pourraient pratiquement éliminer les émissions de CO2« … tout en soulignant que les technologies actuelles restent trop limitées en termes de volume de stockage pour les appareils long-courrier. Un Boeing 777 peut, par exemple, emporter plus de 181 tonnes de kérosène. Convertir toute cette énergie en hydrogène sous pression reste, dans l’état actuel des connaissances, impossible sans recours à des réservoirs au poids inacceptable.

Selon les estimations de l’ICCT, si toutes les liaisons aériennes éligibles étaient desservies par des avions à hydrogène en 2050, les émissions du transport aérien seraient réduites de 31 %, soit 628 millions de tonnes de CO2. Un progrès appréciable, mais bien loin de l’objectif zéro carbone de l’Union européenne à cette échéance.

Faut-il, dès lors, voir dans l’hydrogène-carburant une technologie à la fois hypothétique dans son calendrier, et intrinsèquement insuffisante même dans le meilleur des cas ? Pas nécessairement, car l’industrie ne manque pas d’idées pour régler les problèmes que l’hydrogène ne résout pas.

Les solutions de transition et les carburants synthétiques à l’honneur 

Safran a annoncé fin janvier investir via son fonds Safran Corporate Ventures dans Ineratec, une startup allemande spécialisée dans les carburants synthétiques neutres en carbone, pouvant se substituer aux carburants d’origine fossile. L’équipementier aéronautique confirme ainsi l’intérêt du SAF (Sustainable Aviation Fuel, ou kérosène durable) en tant qu’énergie de transition.

Les avionneurs l’ont démontré, les appareils actuels peuvent tout à fait fonctionner avec un mélange de kérosène classique et de SAF. Déjà, les moteurs actuels acceptent sans broncher un mélange 50-50 entre les deux carburants, et les versions révisées pourront fonctionner en étant alimentées à 100 % au SAF.

moteur Safran

Les moteurs actuellement commercialisés par Safran peuvent déjà fonctionner avec 50 % de carburant de synthèse
(photo : Safran)

C’est là qu’intervient Ineratec. La jeune pousse est spécialisée dans la production de carburant synthétique générés à base d’hydrogène et de CO2 issu de la biomasse ou capturé dans l’atmosphère. En produisant de l’hydrocarbure de synthèse, Ineratec permet aux compagnies aériennes de continuer à utiliser leurs appareils existants, sans modification.

L’hydrocarbure de synthèse permet aux compagnies aériennes de continuer à utiliser leurs appareils existants, sans modification

Le SAF répond à la fois la problématique de la date de disponibilité des futurs Airbus à hydrogène, et à celle de l’absence de solution pour les long-courriers. Si ce carburant de synthèse n’a bien sûr pas vocation à alimenter les avions pour les siècles à venir, il permet néanmoins à l’industrie du transport aérien d’envisager, sans devoir se renier, un avenir décarboné.

Le plus probable est que l’aéronautique commencera par utiliser de plus en plus de SAF (comme nous utilisons du bioéthanol dans le carburant sans-plomb de nos voitures), avant d’avoir recours aux avions à hydrogène pour les trajets qui le permettent. C’est ainsi que sa transition vers le zéro carbone sera assurée : non pas en tentant de renverser la table du jour au lendemain, mais en ayant recours, au bon moment et dans les bonnes situations, aux technologies les plus adaptées.

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