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Safran : vers l’avion 100 % électrique

par Etienne Henri
Safran avion électrique

Safran cherche à s’imposer comme la pièce maîtresse de l’aéronautique décarbonée. Et, pour ce faire, l’équipementier a choisi de faire main basse, chez Thales, de plusieurs « business units ». Des rachats stratégiques qui lui permettront d’affirmer sa place de leader, notamment sur le segment de la performance énergétique pour l’aviation civile, mais aussi comme fournisseur de systèmes high-tech pour les appareils militaires.

Les grandes manœuvres dans la décarbonation du transport se poursuivent

Les grandes manœuvres dans la décarbonation du transport se poursuivent. Le groupe Safran continue de pousser ses pions pour devenir un acteur incontournable de l’aéronautique décarbonée. Outre sa R&D intense sur la propulsion à hydrogène, le motoriste français continue de capter de la valeur ajoutée dans l’électrification des aéronefs.

L’entreprise était surtout connue pour sa participation dans les économies d’énergie apportées par l’amélioration du rendement énergétique de ses réacteurs. C’est en grande partie à lui qu’on doit le fait qu’un voyage en avion consomme aujourd’hui à peine plus de 2 l/km par passager, soit autant qu’une voiture moyenne avec quatre personnes à bord.

Mais la stratégie de Safran va plus loin que les progrès de la motorisation. Désormais, l’équipementier s’attache à réduire la masse des avions en remplaçant les équipements physiques par des signaux digitaux au sein même des cabines.

Il fera bientôt main sur basse plusieurs « business units » de Thales Avionics spécialisées dans les systèmes électriques aéronautiques. Ce rachat lui permettra d’affirmer sa place de leader dans l’augmentation des performances énergétiques de l’aviation civile et comme fournisseur de systèmes high-tech pour les appareils militaires.

Quand l’aérien se met au numérique 

A son rythme, le transport aérien se convertit à la digitalisation, qui consiste à remplacer – autant que faire se peut – des atomes par des électrons.

Dans l’économie réelle, la plupart des augmentations de productivité de ces 50 dernières années ont eu lieu lorsqu’il a été possible de remplacer de la matière par de l’information numérique. Si un e-mail est moins cher qu’une lettre, c’est parce qu’il n’implique pas de déplacement de matière. Si une réunion Zoom coûte moins cher qu’un déplacement Paris/New York, c’est pour la même raison.

Ce bouleversement, qui a été à l’origine de la plus grande part de la croissance que nous connaissons depuis 20 ans, s’applique également au microcosme qu’est une cabine d’avion. Remplacer des dizaines de câbles de commandes et des circuits hydrauliques par de simples fils électriques reliés à des capteurs et des actionneurs permet d’alléger les cabines de centaines de kilogrammes. Sur la durée de vie d’un appareil, les économies d’énergie et d’émissions de CO2 sont considérables.

Pour des avions toujours plus verts et sûrs 

La complexification des moyens de transport peut paraître anti-écologique. Qui n’a pas fait l’expérience, avec son véhicule personnel, d’une « panne informatique » qui a conduit à une réparation coûtant des centaines – voire des milliers – d’euros ?

Petit à petit, Safran devient un fournisseur d’équipements incontournable de l’aéronautique décarbonée

L’aéronautique ne fait pas exception. Replacer des systèmes mécaniques par de l’électronique représente un risque certain… mais aussi des économies d’énergie et, paradoxalement, des gains de sécurité.

Le « fly by wire » (pilotage numérique), par exemple, a été sans nul doute la principale révolution des 20 dernières années. Inaugurée par Airbus avant d’être adoptée par Boeing, elle a brisé le tabou du contrôle direct qui reliait la main des pilotes aux surfaces de contrôles en les remplaçant par des commandes numériques.

Si cette virtualisation des commandes des avions de ligne a, dans un premier temps, déclenché une levée de bouclier, ses avantages l’ont rapidement rendue incontournable. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, il est moins intéressant en termes de sécurité de laisser l’être humain piloter directement un avion que d’impliquer des systèmes électroniques.

En conditions réelle, les systèmes numériques font tout simplement moins d’erreurs que les êtres humains, et leurs pannes sont moins fréquentes que celles des systèmes mécaniques.

Après une période d’inertie bien compréhensible – l’aéronautique étant une industrie particulièrement conservatrice –, le fly by wire s’est progressivement imposé avec l’Airbus A380 puis le Boeing 787. C’est désormais la nouvelle norme dans la conception d’aéronefs modernes.

Le tabou du numérique enfin levé, la part de l’électronique va devenir de plus en plus importante dans la valeur ajoutée totale des avions et hélicoptères.

C’est pour cette raison que Safran a jeté son dévolu sur les activités de systèmes électriques aéronautiques de Thales.

Des implantations sur toute la planète 

En pratique, le groupe Safran va faire main basse sur trois sites industriels : ceux de Thales Avionics Electrical Systems et de Thales Avionics Electrical Motors situés à Chatou (78), Conflans-Sainte-Honorine (78) et Méru (60). Il absorbera également les activités de support, de maintenance et de production pour les équipements électriques aéronautiques implantées à Orlando (Etats-Unis) et à Singapour.

Ce sont ainsi près de 600 collaborateurs et 124 M€ de chiffre d’affaires annuel qui rejoindront l’escarcelle du groupe. Ils seront intégrés à la division Safran Electrical & Power, qui travaille déjà sur les systèmes de moteurs électriques, la propulsion hybride-électrique, les batteries embarquées et la gestion de puissance.

rachat sites Thales par Safran

Avec le rachat des sites de Thales, Safran Electrical & Power ajoute de nouvelles cordes à son arc
(photo : Safran Group)

Bientôt un « Microsoft » de l’aviation ?

Le rachat des business units de Thales s’inscrit dans une stratégie de diversification de long terme. Au fil des acquisitions, Safran complète son rôle de motoriste pour devenir un équipementier aéronautique global. Déjà leader mondial des motorisations à basse consommation, Safran avait étendu son périmètre d’activité en rachetant Zodiac Aerospace en 2017 lors d’une OPA menée avec fracas. Initialement dotée d’une enveloppe de 9,7 Mds€, elle avait finalement été amputée de 1 Md€ à la dernière minute suite à un avertissement sur résultat publié par Zodiac Aerospace.

Le tour de force avait laissé les actionnaires de face à un manque à gagner de 15 % en quelques jours, mais les remous du rachat sont désormais oubliés. Aujourd’hui, les activités historiques de Zodiac Aerospace (sièges, sécurité, éclairage, alimentation en carburant et oxygène) ont été totalement absorbées. Elles contribuent au chiffre d’affaires du groupe à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an.

Le dossier Safran ne manque pas d’atouts

Avec le nouveau rachat, Safran se développera dans les économies d’énergie par réduction du poids des avions de ligne, mais aussi dans le domaine de la Défense et des hélicoptères.

Petit à petit, Safran devient un fournisseur d’équipements incontournable de l’aéronautique. A l’instar du géant Microsoft qui offre des solutions logicielles pour ordinateurs particuliers, data centers, IA et logiciels d’entreprise, plus un appareil ne décollera bientôt sans embarquer d’équipements estampillés Safran.

Avec une croissance alimentée simultanément par la reprise des transports aériens, l’augmentation des budgets militaires et les acquisitions, le dossier Safran ne manque pas d’atouts. Le fait qu’il surperforme nettement le CAC 40 depuis le début de l’année lui donne en outre une dimension défensive précieuse en cette période boursière troublée.

Safran graphe bourse

Safran (en bleu) surperforme nettement le marché français (violet)
(infographie : investing.com)

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4 commentaires

SOUCHET James 7 octobre 2022 - 19 h 41 min

bonjour,
je viens de lire votre article sur Safran et l’avion 100% électrique.
J’ai l’impression qu’il y a une erreur quand vous dites « un voyage en avion consomme aujourd’hui à peine plus de 2 l/km par passager, soit autant qu’une voiture moyenne avec quatre personnes à bord. »
Quand je fais le calcul pour une voiture sur une base de 10 l/100km, j’arrive à 0.1 l/km/4passagers ce qui est encore lointain des 2 l/km/passager.
Pouvez vous m’éclairer sur ce point.
Pour le reste j’apprécie toujours vos articles
Bien cordialement

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Soule 8 octobre 2022 - 10 h 34 min

Article très intéressant

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Bruyeres 8 octobre 2022 - 12 h 26 min

Suis très intéressé par ce type d innovation

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Bruyeres 8 octobre 2022 - 12 h 26 min

Très intéressé par ce type d innovation

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