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Semi-conducteurs : quand les Etats-Unis soutiennent la Chine (malgré eux)

par Etienne Henri
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Les sanctions américaines visant à exclure la Chine du marché des semi-conducteurs ont eu un effet inattendu. La microélectronique chinoise vole désormais de ses propres ailes. Le secteur est depuis séparé en deux blocs géographiques bien distincts. Dans ce contexte, se diversifier est une vraie nécessité pour l’investisseur. La bonne nouvelle est que les véhicules d’investissement ne manquent pas…

En cinq ans, la taille du marché chinois du semi-conducteur a doublé

C’est un effet paradoxal qui ne surprendra que les hommes politiques : les sanctions américaines visant à exclure la Chine du marché des semi-conducteurs ont eu un effet contre-productif. Certes, elles ont permis – dans un premier temps – de déstabiliser quelques géants industriels comme l’électronicien Huawei, grand consommateur de puces, ou le fondeur Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), mais ces groupes ne sont pas restés les bras ballants.

Bien au contraire. Huawei a continué de proposer ses solutions de téléphonie mobile et d’infrastructures 5G à ses clients asiatiques. Même en Europe, l’entreprise a trouvé dans les énergies renouvelables un relais de croissance inattendu. Et SMIC, que Washington espérait reléguer à l’âge de pierre de la fonderie en le privant d’accès aux ressources occidentales, a fait preuve d’une résilience remarquable.

Résultat des courses, quelques années seulement après les sanctions voulues par Donald Trump, le monde du semi-conducteur chinois a retrouvé le chemin de la croissance en dépit du blocus technologique américain.

Non seulement sa progression ne dépend plus des technologies occidentales, mais le découplage voulu par Washington rend illusoire toutes velléités de contrôle sur la suite des événements. Désormais, la microélectronique chinoise vole de ses propres ailes.

Les hommes politiques occidentaux, qui décrètent toujours plus de sanctions en espérant nuire au secteur énergétique russe, devraient prendre bonne note du contre-exemple offert par l’ancien président Trump sur le front des semi-conducteurs. Les investisseurs qui restent convaincus que la pénurie de composants actuelle est universelle doivent rapidement mettre à jour leur stratégie d’investissement.

Le secteur du semi-conducteur est désormais séparé en deux blocs géographiques qui disposent de leurs propres technologies, leur propre chaîne de valeur, de cycles désynchronisés… et d’opportunités de gains bien particulières.

Les puces chinoises dépassent le trillion de yuans 

Le cap est symbolique, mais hautement significatif. En 2021, pour la première fois, les ventes de puces fondues par des entreprises chinoises ont dépassé les 1 000 milliards de yuans (143,6 Mds€). Par rapport à 2020, la progression du chiffre d’affaires a dépassé les +18 %.

L’embargo occidental a tiré vers le haut l’ensemble du secteur

Et, contrairement à d’autres industries, la progression enregistrée entre 2020 et 2021n’a rien à voir avec un quelconque effet de rattrapage post-COVID-19. Entre 2019 et 2020, la hausse s’était déjà établie à plus de +30 %.

Sur le temps long, la tendance semble inéluctable. En cinq ans, la taille du marché chinois du semi-conducteur a purement et simplement doublé. L’empire du Milieu capte désormais 9 % de la valeur ajoutée mondiale du secteur, devant Taïwan et à une encablure de l’Europe continentale (10 %).

La hausse est fulgurante chez le géant SMIC. Le groupe semi-public, qui pèse à lui seul près de 5 % du marché mondial de puces, a connu l’année passée un bond de +39,3 % de ses ventes. Hua Hong Semiconductor, que beaucoup donnaient pour mort après la mise en place de l’embargo décrété par Donald Trump, a vu son activité s’envoler de +69,6 % sur un an. Ses ventes ont dépassé le seuil historique des 1,63 Md$ avec une marge brute dépassant les 27 %.

Hua Hong Semiconductor

Hua Hong Semiconductor, fondeur méconnu en Europe,
engrange pourtant le double du chiffre d’affaires de Soitec (Photo : Hua Hong Semiconductor)

Shanghai Fullhan Microelectronics, un concepteur de puces vidéo, a vu ses ventes bondir de +37 % en un an. L’entreprise, qui avait débuté son activité dans la vidéosurveillance, connaît un regain d’intérêt depuis qu’elle s’est diversifiée dans les véhicules autonomes et l’IA. Primarius Technologies, un éditeur de logiciels de conception, a plus que doublé ses ventes en douze mois. Son avenir s’annonce radieux puisqu’il planche déjà sur des services autour de la prochaine génération de puces gravées avec une finesse de 3 nm.

Nous pourrions continuer à égrener les exemples, le fait est que l’embargo occidental a tiré vers le haut l’ensemble du secteur qui s’est retrouvé face à une explosion de la demande à tous les niveaux de la chaîne de valeur.

Une croissance généralisée

Selon une estimation de Bloomberg, dans le « top 20 » des entreprises en plus forte croissance du monde du semi-conducteur en 2021, 19 sont installées dans l’empire du Milieu. Elles n’étaient que 8 dans le classement précédent qui portait sur l’année 2020.

Parmi elles, on retrouve tous types de métier, les fondeurs bien sûr, mais aussi les entreprises qui écrivent des logiciels de CAO (conception assistée par ordinateur) destinés à l’élaboration de puces ; les créateurs d’IP (blocs de propriété intellectuelle, les briques élémentaires assemblées dans les processeurs) ; et bien sûr les équipementiers qui fournissent les machines de fabrication de puces et les produits consommables.

Répartir les investissements est une nécessité

Lorsque les sanctions ont été décidées par la Maison-Blanche, la Chine s’inquiétait d’importer pour plus de 300 Mds$ de puces électroniques par an – soit plus de 126 % de ses importations de pétrole, rendant pour le pays le silicium plus cher que l’or noir. ésormais, son marché intérieur représente la moitié de cette somme…

Parier sur l’hégémonie des entreprises occidentales et de leurs partenaires privilégiés que son TSMC et Samsung reviendrait donc à se priver d’une partie importante du marché mondial du semi-conducteur.

Dans un monde désormais bipolaire, répartir les investissements est une nécessité. La bonne nouvelle est qu’en la matière, les véhicules ne manquent pas. En outre, avec les courtiers en ligne comme Interactive Brokers ou Lynx, même les particuliers français peuvent investir sur la plupart des valeurs de la tech chinoise…

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