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SoftBank vend Boston Dynamics moins chère que prévu

par Etienne Henri
rachat Boston Dynamics Hyundai

[C’est désormais chose faite ! Boston Dynamics, la startup propulsée par le MIT – et spécialisée dans les robots adaptés à tous types de terrains –, va quitter le giron de SoftBank pour entrer dans celui de… Hyundai. Une opération qui s’inscrit parfaitement dans la vision stratégique du conglomérat coréen, loin de se limiter à l’automobile…]

Bien connue pour ses robots capables de marcher, sauter, faire du sport et même danser, Boston Dynamics est sans conteste la référence mondiale en termes de mobilité motorisée. En s’inspirant des morphologies animales et humaines – et soutenus par des IA parmi les plus sophistiquées du monde –, ces robots sont capables de mouvements dignes de la science-fiction.

 

Le « Terminator » de Boston Dynamics peut aussi danser

 

Le 22 juin, Hyundai a annoncé avoir finalisé l’acquisition de 80 % des titres de la jeune pousse. A première vue, les liens entre un constructeur automobile et des robots issus du MIT pensés pour l’armée américaine ne sont pas franchement évidents. Pourtant, comme nous allons le voir, l’opération s’inscrit parfaitement dans la vision stratégique du conglomérat. 

Des voitures, mais pas que… 

En Occident, la réputation de Hyundai s’est faite grâce à ses véhicules légers destinés aux particuliers et, de façon plus anecdotique, ses utilitaires. Mais, en réalité, l’activité de Hyundai est loin de se limiter à l’automobile.

Certes, le groupe est l’un des plus grands constructeurs au monde. Ses ventes dépassent les 7,5 millions d’unités par an, ce qui le place en cinquième position du palmarès mondial – juste entre Ford et General Motors. Certes, le groupe s’illustre parfaitement dans son secteur d’activité. Et il le doit à des efforts de R&D considérables, lesquels ont par exemple fait de lui un pionnier de la mobilité à hydrogène.

L’activité de Hyundai est loin de se limiter à l’automobile

Pourtant, et on le sait un peu moins, Hyundai est aussi un acteur majeur de la robotique. Sous la marque Hyundai Robotics, le conglomérat commercialise des robots industriels (soudure, assemblage et autres activités de lignes de production), de services (pour remplacer les serveurs dans les hôtels et les restaurants) mais aussi de systèmes dédiés à la logistique.

En fait, les similitudes d’activité entre les deux entreprises sont beaucoup plus flagrantes sur le segment mobilité en terrain inconnu. Hyundai dispose déjà de robots capables de se déplacer en roulant ou « marchant » lorsque le terrain le nécessite. Ses plateformes légères sont dédiées aux missions de surveillance et d’analyse, et peuvent être embarquées dans un drone pour être déposées dans des endroits inaccessibles. Son TIGER (en photo ci-dessous) n’a rien à envier aux robots de Boston Dynamics en termes de flexibilité et d’utilisation en conditions réelles.

 

robot TIGER HyundaiDu robot-serveur à l’engin d’exploration en terrain hostile, en passant par les postes industriels avancés, l’offre robotique de Hyundai est déjà des plus fournies. Illustrations : Hyundai

 

Le groupe va même plus loin puisqu’il a dévoilé au CES de Las Vegas, il y a deux ans, un concept car autonome capable de transporter des êtres humains sur tous types de terrains. Mobilité en situation de combat, transport sanitaire, taxi autonome, la future plateforme aura des applications dans de nombreuses situations.

 

robot Boston Dynamics vs robot Hyundai

Contrairement à Boston Dynamics dont les liens étroits avec l’armée ont façonné le catalogue, Hyundai voit aussi un avenir civil à ses robots. Illustrations: Hyundai

 

La réalité industrielle de ce rapprochement est donc un peu plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Le rachat de Boston Dynamics par Hyundai n’est pas l’histoire d’un constructeur automobile qui se mettrait à la robotique, mais plutôt celle d’un conglomérat qui met la main au chéquier pour acquérir des technologies issues du prestigieux MIT.

Comprendre ce rachat et ses conséquences 

Le premier effet de l’opération est bien évidemment pécuniaire. L’opération valorisant officiellement Boston Dynamics à 1,1 Md$, et Hyundai étant désormais propriétaire de 80 % des titres, le montant de la transaction s’établit à 880 M$. Cette perfusion sera bienvenue pour SoftBank dont la situation reste délicate.

Le groupe de Masayoshi Son reste en effet empêtré dans ces investissements parfois hasardeux, son besoin permanent de cash et des valorisations d’actifs souvent très optimistes. En fouillant dans les comptes de l’entreprise, on constate d’ailleurs que Boston Dynamics était valorisée pas moins de 2,4 Mds$ en mars 2021. Le fait que les parts aient été cédées avec une décote de -54 % est symptomatique de la « cavalerie de valorisation » dans laquelle Son s’est embarqué pour tenter d’afficher des performances annuelles positives. Le retour à la réalité lorsque les actifs trouvent preneurs à des prix fortement décotés est douloureux pour les actionnaires de SoftBank, mais nécessaire.

L’opération reste gagnante pour SoftBank

Ceci étant dit, l’opération reste gagnante pour SoftBank : Masayoshi Son avait acheté la startup pour 167 M$ à Google en 2017, ce qui établit la plus-value à +500 % en trois ans. Le gain est substantiel, il est simplement moins important qu’annoncé.

Du côté de Hyundai, en revanche, l’opération va être plus délicate à rentabiliser. Le groupe n’est pas un actionnaire activiste comme SoftBank. Il ne prévoit donc certainement pas de faire une opération spéculative d’achat/revente à court terme. Or, Boston Dynamics n’est, en l’état, pas bénéficiaire. L’entreprise l’était à ses débuts, avant son rachat par Google. A l’époque elle gagnait de l’argent sur la vente de logiciels et grâce à des contrats de sous-traitance. Malgré ces débuts encourageants, son activité de robotique n’a jamais su trouver son marché. Boston Dynamics est ainsi déficitaire depuis 2013 !

Le défi à 1,1 Md$ sera donc, pour Hyundai, de valoriser les technologies de Boston Dynamics dans sa gamme de robots pour laquelle le groupe a déjà une clientèle. Avec, selon les estimations de Bloomberg, des ventes annuelles oscillant autour des 500 M$ depuis 2017 (Hyundai) et 30 M$ (Boston Dynamics), les investisseurs sont en droit d’espérer de nombreuses synergies commerciales qui devraient rendre l’opération rentable.

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