Comme je le dis souvent : investir c’est offrir du temps, encore et toujours du temps ! Une entreprise est comme un enfant, il faut la suivre dans sa croissance et son développement ! Une fois n’est pas coutume, alors que nous parlons habituellement de boîtes qui sont des bébés et sont appelées à devenir des titans (en tout cas, c’est ce que leurs investisseurs appellent de leurs vœux !), nous allons aujourd’hui nous concentrer sur un titan – français s’il vous plaît – et voir comment il en est arrivé là.
Une entreprise doit maturer comme un bon vin
Laissez-moi vous raconter une petite histoire. Voici quelques mois, j’étais en vadrouille dans le Bordelais et je visitais un grand cru. Et là, miracle ! Des robots dans les vignes, de l’Internet des objets dans les caves, des données historiques sur les anciens vins, etc. Bref, le domaine est entièrement digitalisé. Partout, de la techno au service de l’excellence traditionnelle.
Ce domaine m’a fait penser à un fleuron français que je suis depuis un moment et qui procède exactement comme lui : il prend son temps tout en innovant fortement.
Je peux vous dire que je suis sûr que les gros titres de la presse financière lui seront encore longtemps consacrés et qu’il n’a pas fini d’enchaîner les « trimestres exceptionnels ». En vérité, il n’y a plus rien d’exceptionnel dans sa performance. Elle est le fruit de beaucoup de travail et d’une bonne vision couplés à une bonne exécution et une bonne innovation !
Cette entreprise, c’est LVMH (FR0000121014 – LVMH). Elle a finalement un parcours assez classique.
En gros, de 1987 à 2003, le groupe né de la fusion de Louis Vuitton et Moët Hennessy constitue un portefeuille de marques puissantes par plusieurs rachats et fusions. Puis, de 2003 à 2012, il déploie une stratégie d’acquisition et de vision d’ensemble. Les petites marques sont mises en avant et l’entreprise crée plusieurs fois l’événement en s’engageant dans l’écologie et le digital avec force.
Plus on avance, plus les marques s’installent et LVMH commence à récolter les fruits de son long travail !
Quand on regarde le graphe du cours, on se rend compte que la plus importante création de valeur est à la fin du cycle, c’est-à-dire une fois que les étapes de constitution et d’engagement de la vision sont à un stade avancé. LVMH a fait progresser son chiffre d’affaires de plus de 10 Mds$ dans les trois dernières années ! C’est une progression de plus de 10 % par an.
Quand le luxe et la technologie font bon ménage !
La création de valeur provient en grande partie de la vision de Bernard Arnault, mais LVMH a un autre petit secret. La compagnie s’est approprié le numérique très tôt pour une entreprise si ancienne. En s’appropriant le numérique, elle a donné des outils à ses managers pour mieux analyser le marché et ainsi faire preuve de plus d’anticipation.
Gartner classe LVMH dans le top 5 des marques de luxe les plus digitalisées.
LVMH fut la première entreprise de luxe à lancer un site e-commerce : sephora.com a vu le jour en 1999 ! Elle fut également la première entreprise du luxe à utiliser l’outil de vente du Chinois Wechat en 2012. Cette implication dans les réseaux sociaux chinois n’est pas étrangère à la progression de son chiffre d’affaires en Asie. L’Asie représente désormais 36 % de son chiffre d’affaires avec des progressions annuelles en Chine à deux chiffres.
Bulgari et Louis Vuiton en 2e position des marques les plus digitalisées en Chine. Source : Gartner.
LVMH est également une des entreprises les plus présentes au salon VivaTech avec des startups partenaires comme :
- Alcméon, une société qui permet d’éditer des bots et des solutions de service client par chat augmenté ;
- VeChain, une solution blockchain d’identification ;
- Heuritech, des solutions IA pour le design de nouvelles collections.
Surtout, LVMH intègre bien les outils numériques au cœur de son business. Contrairement à d’autres entreprises que je ne citerai pas par courtoisie, elle ne fait pas de l’innovation pour finalement ne jamais déployer la solution.
Les innovations de LVMH sont complémentaires de son activité principale. Dès leur création, elles sont pensées pour être utilisées. Comme dans ce château du Bordelais, rien ne remplace le savoir-faire traditionnel, l’innovation est là pour optimiser l’activité. Il n’y a donc aucune réaction ou peur envers ces innovations. C’est un des principes du secteur du luxe, l’excellence est déjà là et on ne cherche pas à augmenter la cadence. L’innovation sert uniquement à renforcer l’excellence par l’IA et d’autres innovations !
LVMH est donc devenue une entité géante qui donne à ses petites et grandes marques des outils et services pour réussir au mieux. C’est finalement une entreprise très décentralisée avec ses multiples pôles, mais avec des services centraux très efficaces !
Quel avenir pour la croissance de LVMH ?
L’action peut-elle encore grandir ? Oh que oui !
Les revenus du groupe reposent sur deux piliers : le luxe accessible et l’ultra-luxe.
En ce qui concerne l’ultra-luxe, la population mondiale de millionnaires est estimée en 2018 à 42,2 millions. C’est 2,3 millions de plus que 12 mois avant. La concentration des richesses au niveau mondial profite à LVMH.
En ce qui concerne le luxe « accessible », il faut considérer cette statistique tout à fait étonnante. Même chez les familles à faibles revenus, 40 % des dépenses passent dans les biens considérés comme du luxe.
De plus, à cette époque où les biens de consommation courante perdent très rapidement en valeur (pensez par exemple à tout ce qui concerne l’informatique et à leur obsolescence programmée), les biens de luxe permettent aux gens de stocker une certaine valeur. Le développement des sites et services de transactions entre particuliers explosent dans ce domaine.
Autant de raisons qui me font penser que le potentiel de croissance de LVMH est encore très important.
En revanche, LVMH correspond à 10 % de la valeur globale du CAC 40. Quand une action commence à atteindre ce genre de pondération, souvent la montée devient plus difficile car la progression de l’action se reflèterait trop sur l’indice tout simplement.
Il est important de comprendre que si LVMH double encore son cours de Bourse, elle pourrait alors être responsable de 20 % de l’indice ! Il existe des possibilités pour palier cela, mais l’investisseur long terme doit le prendre en compte, car même si LVMH continue de faire croître son chiffre d’affaires et les dividendes qui vont avec, elle pourrait se retrouver coincée par cette trop grande force. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Naspers. Mais c’est une autre histoire.
L’auteur de cet article est actionnaire de LVMH.