La dépendance de notre économie aux ressources non renouvelables n’est plus un secret pour personne. Industriels, politiques et citoyens ont compris le problème d’une augmentation exponentielle de la consommation d’énergies fossiles dont la quantité est, par essence, limitée.
Au rythme actuel, les réserves d’hélium seront épuisées avant 2025…
Si la question de l’énergie est entrée dans le débat public, celle de l’accès aux autres ressources extractibles reste ignorée. Qui se soucie, aujourd’hui, de la disponibilité du fer, du nickel ou du cobalt ? Pas grand monde. La date d’épuisement de ces ressources minières est trop éloignée dans le temps pour que la société civile s’en préoccupe. Seules les « terres rares », dont la difficulté d’exploitation est plus politique que géologique, parviennent à occuper de temps en temps le terrain médiatique.
Pourtant, une ressource extractible des plus importantes est sur le point de connaître un choc d’approvisionnement sans précédent. L’hélium, utilisé pour de nombreuses applications technologiques, va bientôt venir à manquer…
Les réserves américaines qui inondaient le marché d’hélium peu cher et de bonne qualité depuis des décennies sont quasiment à sec. Les derniers chiffres sont formels : au rythme actuel, elles seront épuisées avant 2025… Autant dire demain.
Un gaz irremplaçable sous la coupe de l’oncle Sam
L’hélium est un gaz rare qui possède des propriétés physico-chimiques uniques.
Du fait de sa légèreté et de sa température de liquéfaction très basse (-269 °C), il est irremplaçable dans la plupart de ses applications. Il permet aux machines IRM (imagerie à résonance magnétique) de fonctionner, de faire voler des ballons météorologiques, de réaliser des soudures à haute précision sous atmosphère contrôlée ou, encore, de produire les micro-processeurs qui équipent nos chers téléphones, tablettes et ordinateurs.
Utilisation de l’hélium par secteur en 2019.
Données : United States Geological Survey
Le temps où l’hélium servait à gonfler des ballons de baudruche qui allaient se perdre dans l’atmosphère est révolu. Aujourd’hui, son usage récréatif est réduit à la portion congrue et il sert quasi-exclusivement à l’industrie et à la science pour les missions où il est irremplaçable.
Ce resserrement de la demande sur les activités critiques n’empêche pas les tensions sur le marché de l’hélium qui restait jusqu’ici sous l’emprise du gouvernement américain.
Pour comprendre comment l’industrie a pu se retrouver dans cette situation unique, il faut retourner près d’un siècle en arrière… Le 3 mars 1925, les Etats-Unis ont promulgué le Helium Conservation Act qui nationalisait de fait la production, la recherche et le stockage d’hélium tout en interdisant son export. En 1995, un milliard de mètres cubes d’hélium avaient été produits et stockés. Le gouvernement Clinton a alors commencé à inonder le marché international en puisant dans ces réserves.
En fixant les prix de manière opaque et contrôlant la distribution du précieux gaz, les Etats-Unis ont de fait pris la main sur l’offre. Les industriels tentés de produire de l’hélium devaient faire face à la concurrence déloyale du destockage américain, et la demande a dû s’adapter.
Cette situation touche à sa fin. L’United States Geological Survey a confirmé en début d’année ce que tous les spécialistes anticipaient depuis longtemps déjà : les ressources patiemment accumulées depuis près un siècle sont presque épuisées. Il ne reste aujourd’hui plus que 83,2 millions de mètres cubes de gaz en stock sur le site de Cliffside Gas Field, aux Etats-Unis.Sachant que le gouvernement américain vend, en moyenne, 23,6 millions de mètre cubes par an, le réservoir sera à sec avant 2025. Anticipant son désengagement du marché de l’hélium, Washington a annoncé l’année dernière son intention de vendre ses infrastructures avant même que l’ensemble des réserves n’aient été écoulées.
C’est désormais à l’industrie qu’il reviendra de produire tout le gaz dont l’humanité a besoin…
Vers un marché libre de l’hélium
La période de grâce durant laquelle nous pouvions acheter à bas prix l’hélium extrait par nos grands-parents touche à sa fin.
D’ici à 2025 l’industrie devra faire face à ses responsabilités. Il faudra augmenter les capacités de production mondiales de 25 millions de mètres cubes par an pour répondre à la demande, sous peine de pénuries aux conséquences dramatiques. Ce volume représente 36 % de la production totale actuelle (hors destockage). Lorsque l’on sait que les matières premières peuvent connaître bulles et krachs pour quelques pourcents de décalage entre l’offre et la demande, la fragilité du marché de l’hélium est criante.
Cette nouvelle technologie ne nécessite pas d’installations lourdes
BASF (DE000BASF111) et Linde (IE00BZ12WP82), deux géants européens de la chimie, ont anticipé l’imminence de ce décalage entre offre et demande et ont travaillé à l’élaboration de microsites de production qui pourront répondre rapidement à la diminution brutale de l’offre mondiale.
Ils ont développé un procédé pour optimiser l’extraction d’hélium dans les champs de gaz naturel. Le gaz rare représente en effet entre 0,2 % et 7 % du volume produit par les champs gaziers. Cette concentration était trop faible pour justifier des investissements massifs lorsque le marché de l’hélium était dominé par le dumping américain ; elle devient intéressante dans un marché libre où l’offre et la demande se confronteront quotidiennement.
La purification de l’hélium par membranes « à chaud » permettra de multiplier les sites de production.
Crédit : Linde
Cette nouvelle technologie d’extraction ne nécessite pas d’installations lourdes et peut s’intercaler directement entre le puits de gaz naturel et le pipeline. Elle permettra de transformer tous les champs gaziers en producteurs potentiels d’hélium.
Avec un marché estimé à 1 885 M$ en 2019 alors que les prix étaient encore écrasés par le destockage américain, les quelques industriels qui se positionnent dès aujourd’hui pour répondre à la pénurie imminente peuvent espérer engranger de solides bénéfices à court terme.
Rares sont les marchés sur lesquels l’évolution de l’offre et de la demande sont aussi prévisibles, et il serait dommage de ne pas en profiter.
3 commentaires
Que fait Air Liquide sur ce segment ?
Elle très active
Ce gisement de 1,5 milliard de mètres cubes d’hélium découvert dans la vallée du Rift, en Tanzanie, peut répondre pendant sept ans à la demande mondiale de ce gaz utilisé dans les scanneurs médicaux, les télescopes, la cryogénie, la recherche aérospatiale, et dont la production actuelle suffit difficilement à répondre
Bonjour, » Dardier, » je me posais la même question , avez vous eu une réponse, à part ces deux sociétés citées plus hauts, quels sont les autres sociétés présentes sur le marché de l’ Hélium ? ..