Depuis le 1er septembre, la France autorise sur ses routes les voitures autonomes de niveau 3. A petits pas, le législateur accompagne ainsi les progrès technologiques d’une industrie dont le marché est évalué à quelque 500 Mds€. Déjà, BMW, Hyundai, Stellantis, Volkswagen et leurs acolytes se tiennent prêts à dégainer leurs modèles. De quoi redonner des couleurs au secteur automobile, et le sourire aux actionnaires…
A petits pas, le législateur accompagne les progrès technologiques de l’industrie. En effet, depuis le 1er septembre, la France autorise – et c’est une première – les véhicules autonomes de niveau 3 à circuler de manière automatique sur les routes hexagonales. Sous certaines conditions, bien entendu.
Ce nouveau cadre législatif représente un changement de paradigme
A ce niveau d’autonomie, si le conducteur doit rester capable de reprendre à tout moment le contrôle de son véhicule, certaines tâches sont déléguées à l’intelligence artificielle embarquée. Dès lors qu’elle circule sur une voie réservée aux véhicules à moteur dotée d’un terre-plein central, et que la vitesse ne dépasse pas les 60 km/h, la voiture gérera seule sa direction et sa vitesse.
En pratique, il s’agira surtout pour les heureux conducteurs de voitures autonomes de ne pas avoir à s’occuper de conduire dans les ralentissements, sur voie rapide et autoroute. Le progrès peut sembler mince, mais il représente un pas de géant car cette autorisation a été l’occasion de faire sauter un tabou d’ordre législatif : la question de la responsabilité de la conduite.
En effet, maintenant que des machines peuvent, officiellement, être tenues responsables de leur conduite, le plafond de verre légal qui empêchait de voir des véhicules 100 % autonomes circuler sur nos routes vient de voler en éclats.
Quand la machine prend (vraiment) le volant
Faire tourner le volant et jouer de l’accélérateur de manière automatisée n’a jamais posé de gros problèmes techniques aux ingénieurs de l’automobile.
Très rapidement, les expérimentations ont prouvé que des véhicules autonomes pouvaient offrir un niveau de sécurité supérieur à celui des conducteurs humains. Tout juste l’image du véhicule autonome a-t-elle pu être écornée par l’Autopilot de Tesla qui, jouant sur les mots et s’appuyant sur des technologies limitées comme les caméras au lieu des LiDAR, n’a jamais pu dépasser le niveau 2 d’autonomie.
Les expérimentations ont prouvé que la conduite autonome pouvait offrir un niveau de sécurité supérieur
Depuis les débuts des voitures autonomes, la question qui taraude constructeurs, législateurs et citoyens est surtout celle de la sécurité et de la responsabilité. Si les véhicules automatisés ont rapidement montré leur capacité à conduire mieux – en moyenne –, que les pilotes en chair et en os, la perception du risque par le grand public est bien différente.
Un accident mettant en cause un conducteur humain est socialement acceptable. Il est mis sur le compte des conditions météorologiques, du matériel… ou même de l’inconscience du conducteur qui aurait pris le volant ivre ou fatigué. Les morts sur la route, faisant partie de notre quotidien depuis plus d’un demi-siècle, sont un non-événement.
Une mort causée par une intelligence artificielle, a contrario, est encore inacceptable. Et s’il est déjà difficile d’autoriser des technophiles à confier leur vie à leur voiture, imaginer d’innocents piétons ou cyclistes fauchés par une voiture autonome était jusqu’ici inconcevable.
De fait, selon la Convention de Vienne ratifiée par la France en 1968, les conducteurs doivent rester maîtres de leur véhicule « en toutes circonstances ». Ces termes, qui s’appliquaient aussi aux véhicules autonomes, laissaient la responsabilité sur les épaules du conducteur. Et ce, même si l’ordinateur de bord avait par lui-même décidé d’accélérer ou de donner le coup de volant fatidique.
Le nouveau cadre législatif dans lequel évolueront les véhicules de niveau 3 représente un changement de paradigme. Si l’équipement de conduite autonome est activé, la responsabilité sera transférée du conducteur au constructeur du véhicule. C’est au 1er septembre que la bascule a eu lieu dans les conditions évoquées plus haut (route interdite aux piétons et cyclistes, terre-plein central, vitesse inférieure à 60 km/h). Un cadre qui devrait être élargi à la circulation jusqu’à 130 km/h dès l’année prochaine.
A ce moment-là, les véhicules de dernière génération pourront réaliser des déplacements à pleine vitesse sur l’autoroute en toute autonomie – tant sur le plan technique que juridique.
Les constructeurs en embuscade
Quelques pionniers de la conduite autonome ont déjà sorti des modèles capables d’atteindre le niveau 3. Honda a ouvert le bal avec sa Legend, suivie en Europe par Mercedes avec sa S-Class et l’EQS.
Mais la contrepartie de la remise à plat législative qui permet de décaler les responsabilités du conducteur vers le constructeur est que chaque modèle devra être indépendamment homologué. Si le principe de base d’une autorisation de circulation est partagé dans toute l’Europe, chaque pays dispose de règles de conduite et de signalisation routière propres.
BMW, Hyundai, Stellantis, Volkswagen se tiennent prêts à dégainer leurs modèles
Résultat des courses : l’homologation aura lieu non seulement modèle par modèle, mais aussi pays par pays. Les constructeurs feront donc un calcul de rentabilité pour savoir s’il est intéressant d’homologuer leurs véhicules autonomes pour chaque pays-cible, et nous assisterons à un morcèlement du marché automobile européen.
La bonne nouvelle est que la France reste un des pays les plus intéressants pour les constructeurs automobiles. Il est, juste après l’Allemagne, le deuxième pays en termes de ventes annuelles de véhicules neufs – devant l’Espagne, l’Italie et la Pologne, dont le pouvoir d’achat des ménages est bien moindre. Ainsi, les conducteurs français devraient faire partie de ceux qui pourront choisir parmi l’offre la plus diversifiée en matière de véhicules intelligents.
Déjà, BMW, Hyundai, Stellantis et Volkswagen ont annoncé avoir dans leurs cartons des véhicules autonomes de niveau 3. Lorsque la conduite autonome sera une réalité, y compris sur autoroute à pleine vitesse, changer de voiture pour un modèle plus récent offrira, pour la première fois depuis l’invention de l’automobile, une expérience de voyage sensiblement différente.
Selon le cabinet international de conseil en stratégie A.T. Kearney, le marché de la conduite autonome est estimé à plus de 500 Mds€. De quoi redonner des couleurs aux résultats des constructeurs automobiles, et le sourire à leurs actionnaires dont la patience est mise à rude épreuve depuis deux ans.