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Voitures autonomes : Volkswagen veut dépasser Tesla

par Etienne Henri
Volkswagen Tesla

[La pole position d’Elon Musk perd de sa superbe. Dans la course à la domination du marché de la voiture électrique – et a fortiori de la voiture autonome – les concurrents redoublent d’efforts pour détrôner le leader Tesla. Hors de question de lui laisser le champ libre sans se défendre. Les surenchères battent son plein. Volkswagen vient par exemple de dévoiler un plan ambitieux. Et, avec lui, les perspectives du marché automobile européen changent d’échelle…]

Les perspectives du marché automobile européen ont changé d’échelle

La course à la domination du marché de la voiture autonome bat son plein. En ce début d’année, la surenchère des programmes de R&D et des budgets ne faiblit pas. Alors que Tesla vient à peine d’obtenir le feu vert pour l’ouverture de sa gigafactory en Allemagne, le groupe Volkswagen a répliqué en dévoilant un plan d’investissement sans précédent.

Eclipsant, dans la presse économique, la victoire de Tesla, le conseil de surveillance de Volkswagen a annoncé tambour battant le plus grand programme de modernisation de l’histoire de son site principal de Wolfsburg. Avec des processus modernisés pour construire une voiture autonome de nouvelle génération, Wolfsburg deviendra un modèle pour tous les autres sites du groupe.

En quelques jours, les perspectives du marché automobile européen ont changé d’échelle. Si les promesses des deux entreprises sont tenues, ce sont des centaines de milliers de véhicules électriques – et intelligents – qui pourraient être assemblés en Europe chaque année.

Gigafactory : une victoire très attendue pour Tesla 

L’usine européenne voulue par Elon Musk n’est pas qu’un moyen de rapprocher les sites de production des consommateurs du Vieux Continent pour optimiser la logistique : c’est une pierre angulaire de la stratégie du groupe.

Après des mois de retard, Tesla a obtenu début mars le feu vert des autorités allemandes pour lancer la production de masse sur son site près de Berlin. Site qui regroupe une usine de fabrication de batteries et des chaînes d’assemblage de véhicules. Après avoir traversé la crise du COVID-19, des difficultés d’approvisionnement, et une guérilla législative avec des activistes locaux, cette autorisation vient comme un soulagement.

Certains analystes, qui guettaient l’accord des pouvoirs publics depuis le début de l’été 2021, en étaient venus à douter que la gigafactory puisse ouvrir un jour. Or, elle revêt une importance capitale dans le modèle d’affaires de Tesla.

gigafactory Tesla

La gigafactory allemande est un élément crucial de la stratégie de croissance de Tesla (photo : Tesla)

Sur le plan purement financier tout d’abord, la gigafactory a nécessité un investissement de 5,5 Mds$. C’est bien peu à l’échelle de la capitalisation boursière du groupe qui a dépassé les 1 000 Mds$ fin 2021, mais loin d’être négligeable face aux 17 Mds$ de liquidités détenues au 31 décembre… d’autant que le groupe a pris la liberté de compter les dépôts encaissés lors des précommandes des clients comme du cash disponible. Et ce, même pour les programmes en retard.

Cette mauvaise habitude comptable a gonflé le stock de liquidités affichées de plus de 925 M$ l’année passée. C’est désormais près de 6 % du cash revendiqué par Elon Musk qui est constitué d’avances pouvant, par nature, disparaître à tout moment.

Tesla Truck

Les précommandes de produits encore inexistants, comme le Tesla Truck, ont mis artificiellement près de 1 Md$ dans les caisses de Tesla (photo : Tesla)

La gigafactory allemande est donc un investissement financier loin d’être anodin. Si elle n’avait pu voir le jour, Elon Musk n’aurait pas été en mesure de répliquer le programme à l’identique ailleurs sans mettre en péril les comptes de l’entreprise, qui restent précaires.

La gigafactory allemande est donc un investissement financier loin d’être anodin

Au niveau opérationnel, la gigafactory doit permettre à Tesla de sortir du cauchemar logistique qui consiste à assembler les véhicules aux Etats-Unis ou en Chine avant de leur faire traverser la moitié de la planète. Avec des délais de livraison dépassant les six mois sur certains modèles, Tesla teste les limites de la patience de sa clientèle et se prive des achats coup de cœur.

Pour répondre à la demande actuelle et assurer la montée en charge promise aux investisseurs, Tesla n’avait d’autres choix que l’ouverture d’un site regroupant les activités clé en Europe. Selon l’analyste Dan Ives, cité par CNBC, Tesla devrait rapidement atteindre une cadence annuelle de 500 000 véhicules assemblés en Allemagne, soit plus de la moitié de sa production mondiale actuelle. L’usine allemande pourrait ainsi faire augmenter, à elle seule, le chiffre d’affaires du groupe de 50 % par rapport à 2021.

Le feu vert des autorités est par conséquent un événement majeur dans l’histoire de Tesla, qui voit un de ses principaux risques opérationnels et financiers disparaître. Pas étonnant que Volkswagen ait cherché à détourner l’attention en annonçant, à son tour, un projet majeur… 

Volkswagen vient provoquer Tesla sur la voiture autonome

L’usine de Tesla est prête à tourner à plein régime et inonder l’Europe de modèles 3 et Y, que les consommateurs s’arrachent ? Qu’à cela ne tienne, Volkswagen a décidé de déplacer le débat sur le terrain des voitures nouvelle génération.

Confirmant une rumeur datant du mois de novembre, le groupe a officialisé sa décision d’utiliser son site historique de Wolfsburg pour produire la Trinity, sa future voiture autonome 100 % électrique. Tandis que Tesla a une offre relativement stable et des modèles similaires sur lesquels le bridage des fonctionnalités fait office de segmentation du catalogue, Volkswagen souhaite faire de la Trinity un ovni dans son offre de véhicules électriques.

Volkswagen souhaite faire de la Trinity un ovni dans son offre

Après avoir électrifié ses modèles phares comme la Golf ou la Coccinelle, le constructeur va concentrer dans la Trinity toutes les innovations possibles. La voiture pourra être rechargée à 80 % en un temps record, et disposera d’une autonomie de 700 km supérieure à celle de bien des modèles thermiques. Elle disposera en outre des prestations classiques des grandes berlines auxquelles sont habitués les clients de la marque.

C’est toutefois sur le plan de l’intelligence que la Trinity pourra réellement détrôner les Tesla. Elle devrait permettre lors de sa commercialisation une conduite autonome de niveau 2+, l’équivalent des véhicules vendus par Elon Musk, mais embarquera une électronique bien plus poussée. Grâce à l’intégration de LiDARS, ces scanners laser qui permettent aux appareils de modéliser en 3D leur environnement en temps réel, le niveau d’autonomie pourra être relevé au fil des mises à jour jusqu’au niveau 4. Sachant que les constructeurs capables de concevoir des véhicules de niveau 3 se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main, la promesse d’un véhicule prêt pour le niveau 4 n’est pas une mince affaire.

future Trinity Volkswagen

Si les formes de la future Trinity restent secrètes, elle devrait se baser sur le concept ID Vizion dévoilé en 2018 et embarquer les dernières innovations en matière de batteries et de conduite autonome
(crédit : Volkswagen)

Les Tesla bientôt has been ?

Elon Musk est de plus en plus seul à décrier les LiDARS et à miser sur l’utilisation de nombreuses caméras vidéo à bas coûts. Ce choix technologique a fonctionné un temps, mais le reste de l’industrie est en train de basculer vers des capteurs plus modernes. Le risque est grand que le fameux Autopilot, facturé toujours plus cher, soit rapidement rendu obsolète par les nouvelles solutions des constructeurs historiques. Ayant fait l’impasse sur la voiture autonome des années 2010, ils se retrouvent paradoxalement dans la position des nouveaux entrants et relèguent Tesla dans le rôle de l’industriel contraint par ses choix technologiques passés.

Volkswagen compte bien remettre en cause le modèle d’affaires de Tesla

Avec des caractéristiques généreuses et un prix de vente qui devrait démarrer à 35 000 €, Volkswagen veut rendre le prix des Tesla difficilement justifiable. Jusqu’ici, Elon Musk avait pu s’appuyer sur l’image d’exception de ses véhicules et les poches profondes des acheteurs pour commercialiser des voitures à un tarif inaccessible au commun des mortels. En proposant une berline ultra-performante à un prix similaire à celui des voitures thermiques actuels, Volkswagen compte banaliser le marché des véhicules de nouvelle génération et mettre en cause le modèle d’affaires de Tesla.

A l’instar de Tesla, Volkswagen prévoit une cadence de production de la future usine se comptant en centaines de milliers de véhicules électriques par an. Le groupe a bon espoir de renvoyer le constructeur californien à son rôle initial : celui de vendeur de véhicules de niche à destination des geeks. Avec le déblocage de 2 Mds€ pour le projet Trinity, les moyens pour y parvenir sont là.

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